Islam et europe : le désamour de soi des Européens
La civilisation européenne n’est pas menacée en priorité par son environnement extérieur, mais par elle-même. Son principal adversaire s’appelle le désamour de soi. Nous aimons peut-être prendre de petits plaisirs par ci par là, cultiver notre petite intériorité avec des cours de « développement personnel ». Toutefois, ce que nous sommes en profondeur, nous ne l’abordons qu’avec réticence – quand nous ne l’occultons pas, ainsi que l’a montré la séquence au cours de laquelle les instances européennes n’ont pas désiré faire mention des racines chrétiennes de notre continent dans sa Constitution.
Nous ne savons plus mettre des mots sur notre identité. La promotion hyperbolique de la notion de « l’ Autre » dans la postmodernité a entraîné par contrecoup le délaissement de la question de notre identité. Non pas que le « souci de soi » (Foucault) ait été négligé. Cependant cette culture de soi, trop focalisée sur l’ego, trop individualiste, ne possède pas d’assises assez solides pour bâtir ce qui pourrait ressembler à une identité collective. La quête identitaire est toujours perçue, par un certain magistère moral, comme relevant de crispations réactionnaires, nostalgiques d’un ordre ancien. Comme l’écrit Pierre Manent : « Nous n’avons pas d’existence propre, nous ne voulons pas, nous ne voulons d’aucune façon, qui serait nécessairement particulière, d’un être propre. » (La Raison des nations, Gallimard, 2006 ).
L’Europe, championne de l’autocritique
L’Europe était-elle prédisposée à cette haine de soi ? En fait, elle est la seule civilisation à avoir cultivé un regard décentré et critique sur elle-même. «Cette aptitude à se mettre soi-même en question, à abandonner – non sans une forte résistance, bien sur – sa propre fatuité, son contentement de soi pharisien, est aux sources de l’Europe, en tant que force spirituelle. Elle donna naissance à l’effort de sortir de la clôture « ethnocentrique » et elle a défini cette culture. Elle en a défini la spécificité et la valeur unique en tant que capacité de ne pas persister dans sa suffisance et sa certitude éternelles. » (Leszek Kolakowski, Comment être socialiste + conservateur + libéral, Les Belles lettres, 2017). Sur le sol européen, la critique de l’ethnocentrisme a été la lointaine matrice de la remise en cause du pouvoir des majorités, et subséquemment de l’avènement du règne des minorités revendicatives, tel que le « politiquement correct » nous en offre aujourd’hui le spectacle inquiétant. Cependant, un événement imprévu risque de venir gripper cette belle mécanique d’autodénigrement.
L’inconnue de l’arrivée de l’islam en Europe
Devant l’arrivée massive de l’islam sur la terre européenne, l’embarras de la gauche est patent. Voilà une religion qui revendique sans complexe son ultra-conservatisme (notamment sur les questions de l’homosexualité et de l’égalité homme, pour ne prendre que ces deux exemples), sans que cela n’émeuve les pourfendeurs du patriarcat de l’extrême gauche ! Comment expliquer une telle inconséquence ? En fait, ce qui motive chez elle la transformation du musulman en éternelle victime, ce n’est pas la sollicitude pour le sort des croyants, mais la haine de l’Occident. La plus grande partie de la gauche n’a jamais rien compris à la religion. Pendant que le petit monde germanopratin se déchire à propos de l’écriture inclusive, au Moyen-Orient, le conflit fait rage entre chiites et sunnites. Les musulmans ne représentent pour la gauche qu’un prétexte pour justifier et entretenir ses détestations. Entre l’extrême gauche et l’islamisme politique, les points communs sont légion, à commencer par la jouissance de servir un pouvoir fort et totalitaire.
Europe : Au-delà du jeu de dupes
De leur côté, les dévots de l’islam n’ont que mépris pour cette gauche qui veut les cantonner dans le statut de victimes faiblardes. Tout au plus les plus fanatiques d’entre eux s’en servent-ils par opportunisme afin d’ affaiblir les défenses immunitaires des vielles civilisations chrétiennes. Mélenchon et Plenel ne sont que les idiots utiles du califat. Du reste, une fois arrivés au pouvoir, les djihadistes n’auraient d’autre tâche plus urgente que de se débarrasser de ses alliés encombrants, dont le credo libertaire s’accorde si mal à la charia.
Mais au-delà de ce jeu de dupes, l’islam nous force à nous redéfinir en nous faisant poser les questions : « Qui sommes-nous ? » et : « Voulons-nous persévérer dans notre être ? ». Ainsi que le souligne Jean Birnbaum dans son dernier livre La religion des faibles (Seuil), ce ne serait pas la moindre ruse de l’histoire que de voir une religion étrangère au corpus intellectuel de l’Europe devenir le catalyseur des retrouvailles de cette dernière avec elle-même !
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