La Grande Guerre
Parti effectuer son service militaire en 1912, mon grand-père paternel dut prolonger son activité sous les drapeaux du fait de l’allongement de la durée de la conscription. C’est ainsi qu’août 1914 le surprit alors qu’il était encore soldat. Envoyé sur le front de l’Est, il fut fait prisonnier et dut vivre quatre années en Allemagne. Finalement, il ne rejoignit son domicile, dans le piémont pyrénéen, qu’en 1919. Aussi resta-t-il éloigné de son foyer familial durant huit ans !
Un bilan effroyable
Comme lui, ils seront huit millions 400 000 Français à être mobilisés. En France, plus de 1 300 000 militaires y laissèrent la vie, ainsi que des centaines de milliers de civils. Sans compter tous les mutilés, invalides et autres gueules cassées. En ce centième anniversaire de l’armistice de 1918, c’est à eux que nous pensons en priorité. A eux qui ont sacrifié leurs vies afin que nous restions libres.
A l’échelle mondiale, on estime que la Grande Guerre fit, chez les soldats, 8 500 000 morts (pour 65 000 000 soldats mobilisés), et 2 100 000 blessés. Plus de 10 000 000 civils périrent du fait de la guerre, directement ou indirectement.

Guerre totale
Ce geste de piété filiale envers nos aïeux ne doit pas nous faire oublier la mutation prodigieuse que la Première Guerre mondiale opéra dans la pratique militaire. Premier conflit mondial de l’histoire, moderne par ses moyens de commandement, de transport et de combat, par le nombre de participants, par l’importance des effectifs engagés, cette guerre a mobilisé toutes les ressources humaines et industrielles des belligérants. Elle se déroula en divers points du globe, sur terre, sur mer (et sous les mers, avec le terrible combat des sous-marins), et dans les airs. Néanmoins, les fronts essentiels restèrent européens. Un conflit aux multiples conséquences
Première guerre totale de l’histoire, elle bouleversa les nations qui y prirent part. Par exemple, elle accéléra le développement du travail féminin et contribua de la sorte à l’égalité homme-femme.

La Grande Guerre paracheva également, aussi surprenant que cela puisse paraître, l’unité de notre Nation. Les tranchées furent un creuset où vinrent se fondre toutes les provinces françaises. Il y a plus de 27 ans, tandis que je travaillais à l’époque en région parisienne, j’étais allé visiter une partie de la Bretagne intérieure. A Josselin, village qui possède un magnifique château, en buvant un café au comptoir d’un bistrot, j’avais entamé une discussion avec des autochtones. La conversation roula sur l’identité et le destin de la Bretagne. L’un d’eux m’apprit que c’était la Première Guerre mondiale qui avait définitivement rattaché la Bretagne à la France. Je me souviens des termes qu’il employa à cette occasion : « Une unité scellée dans le sang ».
Enfin, la paix dont accoucha la Grande Guerre fut mal négociée, mal conçue et encore plus mal préservée. Le premier conflit mondial portait en germe le second, qui s’avéra plus meurtrier et terrible encore.

La victoire ne nous fait pas oublier les morts
En cette année du centenaire, certaines voix s’élèvent pour biffer la célébration de la victoire, et occulter ainsi la dimension militaire du conflit. Au nom de la paix retrouvée avec l’Allemagne (qui est une excellente chose), des hommes publics désirent en effet passer sous silence les raisons profondes pour lesquelles les Poilus consentirent à monter au front. Or, il s’agissait en 1914 de défendre la patrie que le militarisme allemand voulait rabaisser et sérieusement endommagée. Nos aïeux savaient cela. Ne les prenons pas pour des victimes, qui auraient été bernées par la propagande militaire. Passer sous silence la victoire que représente l’armistice au prétexte de célébrer les vertus de la paix, c’est un peu comme si nous concédions qu’ils avaient donné leurs vies pour rien ! Ce n’est pas les honorer comme ils le méritent.
La paix est un bien inestimable, et la réconciliation franco-allemande, un des plus grands événement de notre histoire nationale récente. Cela ne doit pas cependant nous empêcher de commémorer la gloire de nos combattants de 14-18 et le succès final de l’effort colossal que la nation consentit à fournir durant quatre ans.
Rendre hommage au sacrifice des Poilus, célébrer la victoire et oeuvrer pour la paix ne sont pas gestes contradictoires.
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