La déambulation du couple Macron en baskets dans les rues de Londres en deuil a fait couler beaucoup d’encre. Certes, le Président et son épouse ont pris soin de changer de chaussures pour participer à la cérémonie dans l’abbaye de Westminster. Mais le mal était fait.
« Venez comme vous êtes ! »
Que révèle cette liberté prise avec les codes de la bienséance ? En fait, notre Président a tenu à afficher son progressisme selon lequel tout ce qui relève du rite, de la hiérarchie, du protocole, de la préséance, et plus largement de la tradition, tout cela est passé de mode. Désormais, aller aux obsèques de la reine d’Angleterre ou à celles du cousin de province qu’on a perdu de vue depuis longtemps, c’est tout un.
Pourquoi la première aurait-elle droit à un traitement de faveur ? Mais cet égalitarisme s’étend aussi aux temps de la vie. Pourquoi le deuil devrait-il se porter plus strict qu’un dîner en ville ? En fait, le couple Macron n’a fait qu’obéir à l’injonction subliminale du slogan de Mac Do : « Venez comme vous êtes ! ».
Macron dans les pas de Sarkozy et de Hollande
Cependant, cette entorse aux règles de convenance n’est pas sans effets politiques. En effet, Macron n’est pas un citoyen comme les autres. Il est président de la République. A ce titre, il doit conserver une certaine distance marquant son autorité. L’autorité n’est pas une supériorité liée à l’individu mais à la fonction. La déférence qui est due à l’homme Emmanuel Macron découle de celle que l’on doit à la République.
En outre, dans cette affaire, notre président actuel s’inscrit dans une logique qui le domine et qui lui dicte ses gestes comme à son insu. Déjà Sarkozy avait décrédibilisé la fonction en courant dans tous les sens et en se transformant en super Premier ministre. François Hollande, en se posant en « président normal », avait enfoncé le clou. Et voilà que la volonté de Macron de « briser les codes » au nom d’un libéralisme culturel de mauvais aloi, achève le travail de sape de ses deux prédécesseurs !
« L’autorité fout l’ camp ! »
On déplore le recul de l’autorité à tous les niveaux de la société française : refus d’obtempérer devant les policiers et les gendarmes, pompiers et docteurs caillassés, profs moqués et agressés, personnels hospitaliers menacés, élus frappés. Or, l’autorité, cela s’apprend. Et pour la faire respecter, ceux qui en sont les dépositaires doivent commencer à obéir eux-mêmes à des codes qui manifestent qu’ils la détiennent.
Par exemple, un professeur qui ferait cours en tongs et en bermuda ne serait pas en position favorable pour obtenir le silence dans sa classe en cas de chahut. Pareillement on imagine mal le doyen de Westminster présider les obsèques d’Elizabeth II en chemise hawaïenne ! Si les adultes ont le droit de demander le respect de l’autorité aux enfants, encore faut-il qu’ils la tienne en considération eux-mêmes !
Car l’autorité n’est pas chose naturelle : elle est exigée par la vie en société et elle s’acquiert. Si les ados devinent que les « grandes personnes » n’y croient plus elles-mêmes, il sera difficile de la leur faire respecter !
Pour s’en tenir aux tenues vestimentaires : la première mesure que doit prendre le personnel enseignant pour dissuader les élèves de venir en classe dans des accoutrements outranciers, est de s’habiller correctement et dignement lui-même afin de montrer de la sorte l’exemple.
Et que dire des fautes de français ! Car l’orthographe et la grammaire sont également des conventions. Si les conventions liées à l’habillement ne sont pas respectées, pour quelle raison celles de la langue le seraient-elles ? Pourquoi ne pas écrire « comme on le sent », après tout ?
« Cachez cette mort que je ne saurais voir »
Au fond, Macron est victime de l’air du temps. Les obsèques ont perdu de leurs pompes d’antan. Jadis, l’église était tendue de draperie aux initiales du défunt pour les enterrements « de première classe ». Cependant, les personnes modestes tenaient elles aussi à avoir des funérailles empreintes de solennité. Ces signes extérieurs manifestaient la dignité des humbles, dignité qui ne fait pas acception des personnes en étant également partagée par tous les membres de la famille humaine, pauvres ou fortunés.
Tout cela a volé en éclats. On vient désormais aux funérailles en habits de tous les jours. La mort a perdu de sa superbe et, avec elle, les défunts. L’heure est à la sobriété en la matière : la mort doit être cachée. L’homme postmoderne ne croit plus à rien. De surcroît, il a peur de regarder la mort en face. Et quel meilleur moyen d’éviter de la considérer et d’y penser que de venir en baskets à des obsèques ?
Nostalgie du monde ancien
Cependant, l’ancien monde avec ses rituels, ses codes vestimentaires, ses uniformes chamarrés, ses contraintes de bienséance, continue de susciter la nostalgie, à preuve les scores d’audience des funérailles d’Elizabeth II. Comme si les Français devinaient qu’une partie des maux dont soufre la société : jeunesse en déshérence, déclin de l’autorité, nihilisme rampant, sécession des communautés ayant conservé les mœurs traditionnelles de leurs pays d’origine et scandalisées par les nôtres : tout cela découlait de l’abandon de ce monde d’hier dont les funérailles de la reine d’Angleterre sont le symbole.
Retrouvez la tribune de Jean-Michel Castaing sur Tv Languedoc ainsi que ses autres articles, ses livres et recueils
Cet article vous a plu?
Il a pourtant un coût : 50 € en moyenne. Il faut compter 100 € pour un portrait,
500 € pour une infographie, 800 € pour une vidéo.
Nous dépendons de nos lecteurs, soutenez-nous !
Et si vous avez choisi de refuser les cookies, c’est pas cool pour nos pubs …
Merci par avance de les accepter, car la publicité locale ciblée est un moyen de soutenir le travail de notre rédaction qui s’engage à vous proposer au fil des rubriques et des enquêtes, une information de qualité, libre et sans censure.
En acceptant les cookies, vous pourrez accéder à certains contenus réservés et d’autres fonctionnalités que propose notre site, tout en nous aidant.
Discussion à propos de ce post