Durant la crise sanitaire du coronavirus, les Français ont redécouvert le charme de la vie à la campagne, tandis que le confinement suscitait chez d’autres le désir d’aller s’y installer. Cette demande peut devenir l’occasion pour nos villages de se pourvoir en commerces de proximité dont l’absence accélère l’exode rural de la jeunesse.
Commerces : Des territoires en voie de désertification
Ce n’est pas seulement dans notre région d’Occitanie que les commerces ferment les uns après les autres dans les villages et les villes petites ou moyennes. Ce phénomène s’est généralisé à l’échelle du pays. Les causes de cette tendance lourde sont multiples. Les métropoles produisent l’essentiel de la richesse nationale.
La dernière élection présidentielle a illustré cette opposition entre métropoles et territoires. Les premières ont voté majoritairement Macron tandis que les seconds donnaient leurs suffrages à Le Pen. Pendant que les grandes agglomérations captent la plus-value de la mondialisation, les villages et les villes moyennes assistent, impuissants, au spectacle de la disparition de leurs emplois et leurs services publics.
De plus, la mutation de l’économie française en économie de services a accéléré la désertification des campagnes. Si on ajoute à cela la part de moins en moins grande que prend l’industrie dans l’activité globale – caractéristique qui s’est révélée dans toute son ampleur à l’occasion de la crise sanitaire du coronavirus et qui a poussé les hommes politiques à demander un programme de relocalisation de certaines productions stratégiques –, tout se conjure pour que nos villages se transforment inexorablement en bourgs-dortoirs, parcs touristiques ou réserves pour retraités. Or, cette mutation est préjudiciable au maintien des commerces dans ces zones déclassées.
En effet, le salon de coiffure, la boucherie, la mercerie ont besoin d’une population laborieuse vivant sur place pour survivre. Quand la majorité des emplois se concentrent dans les grandes agglomérations, la moyenne-surface du chef lieu de canton et ses satellites absorbent toutes les activités commerciales : alimentation, services à la personne, pharmacie, jardinerie, etc. Si bien que les autres villages du canton ne disposent plus d’aucun commerce.
Même les cafés ont disparu, et avec eux la socialité de jadis. L’hypnose collective des réseaux sociaux et Internet ne sont pas étrangers à l’amplification de cette dernière tendance.
Pour le commerce : un triple défi
Dans ces conditions, comment revitaliser nos villages ? Des initiatives courageuses voient le jour ici et là pour ressusciter le tissu économique et commercial de ces entités géographiques que la mondialisation, par sa concentration et son gigantisme, a broyées et fait disparaître des écrans radars de l’économie. En fait, il s’agit de relever un triple défi : économique, social et écologique.
Défi économique pour le commerce
Nous ne pouvons pas nous résigner à voir des pans entiers du territoire privés de tout commerce. Au moment où un nouveau secrétariat au Plan est né, piloté par François Bayrou, soyons persuadés que l’aménagement du territoire commence par la revitalisation du tissu économique des petites et moyennes villes de province. La richesse française ne doit pas se concentrer dans les métropoles.
La qualité de vie constitue aussi un indice de développement. Or, cette qualité est dépendante de la proximité des commerces par rapport au lieu d’habitation. De plus, le maintien d’une activité commerciale, en faisant reculer le chômage et en fixant sur place une population qui sinon ira habiter ailleurs, est souvent la condition de la survie de l’école communale, par exemple. C’est ainsi que le maintien d’un emploi induit toujours la préservation d’autres activités. S’enclenche alors une spirale vertueuse qui prend le contre-pied du cercle vicieux opposé par lequel le chômage appelle le chômage.
Le second défi pour le commerce concerne la sociabilité
La présence de commerces de proximité permet de recréer du lien social. Par exemple, dans les commerces multiservices, se croisent agriculteurs, artisans, autochtones et néoruraux. En se côtoyant au sein d’un même site qui renferme bureau de poste, agence bancaire, vente de primeurs, boulangerie, les habitants renouent des contacts qui restent plus évanescents lorsqu’ils se croisent dans la grande surface du chef-lieu de canton. Là, dans l’artère principale du bourg, les vendeurs connaissent leurs clients et peuvent livrer des paniers aux personnes âges du patelin.
Le circuit court du commerce
Enfin, le maintien d’une activité économique dans les villages et villes de petite taille, favorise les circuits courts, plébiscités par la sensibilité écologique, et dont la crise sanitaire a fait ressortir plus que jamais la nécessité. Les artisans et les producteurs locaux ont davantage de chance de tirer leur épingle du jeu avec des villages dynamiques qu’en étant confrontés à la concurrence des grandes entités des métropoles. La demande croissante de produits du terroir va dans le sens de la revitalisation des villages.
A ces trois défis il faut ajouter un motif supplémentaire pour lutter contre la désertification rurale : la nécessité de fixer les jeunes générations « au pays ».
La montée en puissance du télétravail est une opportunité pour maintenir sur place une « demande » susceptible de galvaniser une « offre » dans le domaine des commerces multiservices et de l’artisanat.
Profiter de la douceur de vivre des pays de France
A la faveur de la revitalisation économique des campagnes, des Français de plus en plus nombreux seraient en mesure de profiter des cadres de vie ravissants qu’offrent nos villages. Par ailleurs, depuis Paris, on ne soupçonne pas toujours les trésors d’ingéniosité et d’hospitalité dont regorgent les habitants de nos campagnes – trésors qu’ils ne manqueront pas de démontrer en faveur des nouveaux arrivants qui auront fait le choix d’élire domicile dans leur pays. La qualité de vie, non seulement est un indice de développement, comme cité plus haut, mais représente également une condition propice pour apaiser les esprits dans une France qui doute d’elle-même.
Jean-Michel Castaing
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