Liberté d’expression : Les nouveaux censeurs
Les progressistes sont de mauvais perdants. L’Histoire n’ayant pas confirmé leurs thèses, ils n’ont pas trouvé d’autres moyens de l’emporter sur leurs contradicteurs idéologiques que de les faire taire.
L’Histoire n’a pas tenu ses promesses
Les tenants du « progrès », les progressistes, c’est-à-dire les croyants pour lesquels la marche du monde est une avancée irrésistible vers le mieux et l’égalité, constatent avec dépit que la logique historique est en train de leur échapper. Non, l’Histoire n’accouchera pas de la société sans classe que leur avait prédit le faux prophète Marx.
Les inégalités se creusent, l’obscurantisme religieux revient au galop, le désastre écologique est patent. Décidément, la marche du monde ne coïncide pas avec le Grand Soir que les Théoriciens nous avaient vendu !
Ces derniers ont beau jeu de soutenir que le Capital lance ses derniers feux dans la bataille, plus personne ne les prend au sérieux. Les bavards incontinents de « Nuit Debout » n’ont eu aucun écho chez les classes moyennes et populaires qui leur ont préféré les Gilets jaunes.

Impuissant à influer sur la destinée du collectif, le « Progrès » s’est réfugié chez les quémandeurs insatiables de droits individuels. Le « progrès », de nos jours, cela consiste par exemple à louer l’utérus d’une femme indienne contre rémunération pour « faire » un bébé.
Normalement, une telle marchandisation du corps, et de surcroît du corps d’une femme d’un pays non occidental, devrait ulcérer une belle conscience de « gôche ». Mais le magistère progressiste a tranché : il s’agit là d’une noble avancée, et la désapprouver peut vous valoir une excommunication en bonne et due forme du camp du Bien.
Maîtres du permis et du défendu
Dans ces conditions, quelle marge de manœuvre reste-t-il au dernier carré du progressisme pour peser dans les rapports de force ? A défaut de pouvoir agir sur la réalité extérieure, les dévots du Progrès s’ingénient désormais à régenter nos intériorités, nos pensées et nos croyances. Pour ce faire, une police du permis et du défendu s’est mise en place. Chacun doit lui obéir, même si cette soumission reste implicite.
En effet, depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, la gauche de progrès ne peut pas faire autrement que de demander avec plus de force encore le respect de la liberté d’expression. Vœux de pure forme. Car dans le même temps, désirant faire régner l’idéologie progressiste dans les têtes, la gauche-de-progrès se voit dans la douloureuse obligation de réprimer sans pitié tout propos qui contrevient à sa façon de voir les êtres et le monde.
C’est ainsi que nous assistons à ce spectacle étonnant et paradoxal : les anciens combattants valeureux de la liberté de critiquer toutes les religions et les idéologies s’escriment maintenant à éplucher, en Torquemada sourcilleux, tout ce qui se dit et s’écrit dans le but de dénicher le propos qui tombe sous le coup de leur législation.
Il n’est pas rare de voir d’anciens « bouffeurs de curés » devenir à la fois les défenseurs des salafistes les plus intransigeants et les censeurs les plus zélés de ceux qui osent critiquer cette régression ! Puisqu’il n’est plus possible d’établir la justice sociale dans la réalité économique, il reste encore à ces soldats en déshérence du Camp du Progrès la ressource de forcer les autres à bien penser.
Et bien penser, selon eux, cela consiste à laisser la parole aux penseurs les plus radicaux des minorités, et à l’interdire à ceux qui s’inquiètent des appels aux meurtres des premiers !
Liberté d’expression : La gauche divisée
Une double perversion se dessine ici chez ces nouveaux censeurs progressistes.
Non contents d’interdire la critique à l’endroit de l’intégrisme islamiste, ils osent mettre sur le même plan toutes les sensibilités religieuses, les plus pacifiques comme les plus fanatiques. Leur égalitarisme obsessionnel leur fait confondre égale dignité des personnes et relativisme.
Or, ce n’est pas parce que toutes les personnes ont une égale dignité, quelles que soient leur sexe, leur religion ou la couleur de leur peau, que toutes les opinions se valent ! A cet égard, il serait injuste de passer sous silence le clivage qui traverse aujourd’hui la gauche, clivage entre les universalistes et les communautaristes.
Pour les premiers, le droit des minorités ne doit pas devenir un prétexte pour autoriser les propagateurs de thèses extrémistes à contaminer la jeunesse.
De leur côté, les communautaristes sont trop heureux de jouer de la culpabilité de l’homme blanc occidental afin de placer sur un pied d’égalité toutes les croyances.
A la moindre objection, ils dégainent le statut de victime de leur clientèle en criant à l’islamophobie. Et dans cette stratégie, les communautaristes savent pouvoir compter sur les dévots du Progrès, qui ne manqueront pas de voler à leur secours, pensant accomplir de la sorte oeuvre pie.
Le progressisme s’est aliéné les classes populaires
Ces nouveaux censeurs vivent dans un entre soi rassurant. C’est la raison pour laquelle ils ne se rendent pas compte que cette police de la pensée leur aliène les hommes qui désirent continuer à vivre et penser librement.
Ces appels subliminaux à l’auto-censure confortent par contre-coup les thèses de ceux qui ne croient pas au modèle multiculturaliste.
En effet, à force de s’élever contre les propos de ceux qui disent ce qu’ils voient, qui appellent un chat un chat, et pour lesquels la lapidation d’une femme adultère ne sera jamais une pratique comme une autre, ces thuriféraires inconséquents du Progrès finissent par rendre haïssables leurs convictions.

Qui voudrait vivre sous un régime qui décide souverainement de ce qui doit être dit et de ce qui doit être (pieusement) tu ?
Le bon sens populaire subodore que nous n’avons rien de bon à attendre d’un progrès qui nous intime l’ordre de nous taire chaque fois que la réalité contredit ses propositions.
Jean-Michel Castaing
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