La crise sanitaire de la Covid a mis au jour notre dépendance dans le domaine des industries stratégiques. Les pays occidentaux ont délocalisé inconsidérément des pans entiers de leurs productions vers des pays où les ouvriers sont honteusement exploités. Nos dirigeants prennent conscience tardivement du danger que représente cette perte de souveraineté économique.
Mondialisation : Fin du monopole de l’Occident
Après avoir profité pleinement de la mondialisation et régné sur elle durant plus de deux siècles – schématiquement à partir de la deuxième moitié du XVIII ième jusqu’à la fin des années 60 du XX ième siècle – les Occidentaux sont victimes à leur tour de la globalisation des échanges et de la production.
Jusqu’aux années 70, le monde « riche » se concentrait dans l’hémisphère nord américain, l’Europe occidentale, le Japon et les anciens condominiums britanniques. Depuis, l’Asie s’est invitée en force dans le concert. Ses masses démographiques considérables ont bouleversé de fond en comble le paysage économique mondial.
D’autres pays émergeants sont entrés à leur tour dans la danse. Si bien l’ancienne domination des pays occidentaux a chancelé. La concurrence entre nations s’est généralisée dans des proportions inédites. Mais pourquoi l’Europe pâtit-elle autant de cette extension de la mondialisation ?
Dumping social
La première raison pour laquelle la mondialisation se retourne contre les pays européens, et la France en particulier, est qu’elle touche désormais des pays économiquement très dissemblables. En effet, les pays émergeants ont un coût du travail beaucoup plus faible que celui de nos économies. Les salaires y sont peu élevés et la protection sociale souvent inexistante. Dans ces conditions, la tentation est grande pour les patrons de faire produire dans ces pays où ils ne seront gênés ni par la masse salariale, ni par les cotisations sociales et encore moins par les revendications syndicales…
Mondialisation : Des technocrates bruxellois déconnectés des réalités
A ce dumping social s’ajoutent les subventions que les entreprises des pays émergeants perçoivent de l’Etat. A cet égard, l’entrée de la Chine dans l’O.M.C (Organisation Mondiale du Commerce) a tourné au jeu de dupes. Le manque de réalisme et de vigilance de l’Union Européenne s’est révélé coupable.
Ses technocrates, imbus de leur idéologie libre-échangiste, n’ont toujours pas compris que les nations ne représentaient pas des bandes de boy-scouts en goguette, mais des entités en concurrence et rivalité les unes avec les autres, des personnalités collectives qui se jalousent, s’épient, se surveillent, se mentent et s’espionnent sans états d’âme. Il faut espérer que l’Europe se ressaisisse et cesse d’être l’idiot du village mondial.
Bruxelles a négligé également le protectionnisme culturel de certains pays asiatiques. Pourtant, ces pratiques existent depuis longtemps. Mon professeur d’économie au lycée nous en entretenait déjà à la fin des années 70…
Grand écart écologique
En outre, la disparité des paramètres des économies en lice dans la joute de la mondialisation ne touche pas seulement le social, le protectionnisme et les subventions. Il existe un autre domaine où la concurrence est faussée : celui des pratiques écologiques. En effet, pour diverses raisons, certains pays ne nourrissent pas nos scrupules concernant l’environnement.
L’extraction des terres rares en Chine s’effectue dans des conditions dantesques. En Afrique, les entreprises travaillant à l’exploitation des mines ne sont pas davantage soucieuses des équilibres et des micro-systèmes écologiques.
Dans ce contexte, il devient difficile pour les pays européens de lutter à armes égales. Cette mondialisation sauvage explique que l’Europe prend de plus en plus de retard dans des secteurs économiques stratégiques. Tandis qu’elle respecte normes et règles contraignantes, d’autres pays s’en affranchissent allègrement. Comment harmoniser de telles disparités ?
Des conséquences sociales importantes
Pour l’Europe, il devient urgent d’agir sous peine de graves conséquences politiques. Qui paye en effet le plus lourd tribut à cette concurrence faussée ? Les classes moyennes occidentales. Or, ce sont elles qui soutiennent les démocraties. Sans elles, nos régimes politiques risquent de basculer dans l’extrémisme. Comment expliquer un tel aveuglement de la part de nos dirigeants ?
Comment expliquer un tel aveuglement de la part de nos dirigeants
En fait, comme ils appartiennent aux classes qui ont gagné à la mondialisation, ils sont restés aveugles à la souffrance des ouvriers qui voyaient les usines partir vers les pays à bas coût et à celle des employés et commerçants qui subissaient de plein fouet le contrecoup des délocalisations.
Tout occupés à chanter les vertus de l’ « ouverture », nos technocrates n’ont pas remarqué que la mondialisation nouvelle formule était en train de générer un chômage de masse dévastateur. Que l’on pense au secteur du textile et à ses centaines de milliers d’emplois partis en fumée !
Corriger la mondialisation
Maintenant, les classes populaires et moyennes demandent des comptes à ces technocrates dénués de légitimité démocratique et qui, par leur impéritie teintée d’arrogance, ont accéléré leur déclassement social. Elles n’ont plus envie d’être traitées de « populistes » par les fossoyeurs de notre souveraineté économique. Mais seront-elles entendues ? Les « sachants » sauront-ils revenir de leurs postulats erronés ?
De leur côté, nos dirigeants auront-ils le courage de renégocier les traités commerciaux qui nous défavorisent en luttant contre les dumpings social et environnemental ? Sauront-ils défendre nos marchés intérieurs contre ceux qui ne respectent pas nos normes et notre éthique du travail ? Sauront-ils taxer et au besoin user d’un protectionnisme intelligent ? Auront-ils le courage d’adjoindre aux accords commerciaux un volet social qui rééquilibre la compétition ?
De la réponse à ces questions dépendent le sort de notre continent et le devenir de la colère sociale que la crise sanitaire risque d’exacerber.
Jean-Michel Castaing
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