Protéger les adolescents contre le cyberharcèlement
Le cyberharcèlement touche de nombreux de collégiens. Ce fléau des temps numériques mérite d’être pris à bras-le-corps par les autorités publiques
Cyberharcèlement ou Lynchage en ligne
Le progrès technologique ne nous prémunit pas contre nos mauvais penchants. Parfois, il en démultiplie les effets mortifères. C’est le cas avec le cyberharcèlement. La numérisation des activités des adolescents et leur addiction aux réseaux sociaux ont transformé la tendance à la persécution que l’on observait jadis dans les cours de récréation en un fléau dont l’omniprésence des écrans amplifie exponentiellement les répercutions et les dégâts.
Un harcèlement sans limite
Ainsi, le souffre-douleur de la classe, au lieu de pouvoir respirer une fois qu’il a franchi les portes de l’établissement scolaire pour rentrer chez lui, ne connaît désormais plus de répit. Ses persécuteurs le poursuivent jusqu’à sa chambre à coucher sur Snapchat ou Tiktok. Là, allongé sur son lit, il (plus souvent elle) découvre que la meute lancée à ses trousses continue à déverser sur lui des atrocités : mensurations de son physique s’il s’agit d’une jeune fille, photos où la victime est dénudée, moqueries sur son apparence, insultes diverses, chantage, menace de divulguer des secrets encore plus intimes, demandes de rançons.
Généralement, c’est sur un compte privé, hébergé par Snapchat et créé par un harceleur-pilote, que les horreurs de ce lynchage numérique sont diffusées à grande échelle. En effet, la viralité des infos sur le Net transforme ce qui serait resté une persécution limitée à la seule classe du souffre-douleur avant l’avènement de l’ère d’Internet, en une surexposition de la victime aux regards malsains de milliers d’internautes.
L’adolescent est livré de la sorte en pâture à une myriade voyeurs ou de pervers désinhibés que l’anonymat numérique encourage à proférer insultes, commentaires salaces, quolibets, propositions immondes.
Repérer les signes sur la victime de harcèlement
Devant cet hallali, la victime, apeurée, isolée, harcelée jusqu’à chez elle, est tellement désorientée qu’elle ne sait plus quelle décision prendre : doit-elle en parler à ses parents ? Alerter l’institution scolaire ? Cependant, l’ado traqué refuse souvent de recourir à ces deux solutions judicieuses. Pourquoi ?
Plusieurs motifs expliquent le renfermement sur soi de la victime du harcèlement : crainte d’exposer son existence au grand jour, honte, méconnaissance de la possibilité de porter plainte, appréhension de n’être pas crue, peur des représailles de la part de ses bourreaux, fragilité psychologique.
Pour toutes ces raisons, le souffre-douleur garde sa souffrance pour lui. Ce repli sur soi entraîne une somatisation de sa détresse psychique : scarification, anorexie, mais aussi des séquelles plus psychologiques : dépression, décrochage scolaire, peur d’aller à l’école.
Harcèlement : cause nationale ?
Si nous voulons faire de la lutte contre le cyberharcèlement une grande cause nationale, il est nécessaire que les chefs d’établissements scolaires, les professeurs, les pédopsychiatres, mais également, et surtout, les parents deviennent plus vigilants afin de détecter chez l’adolescent les signes qui représentent autant les effets de ce fléau qu’un appel au secours de sa part.
Bien sûr, on ne peut que se réjouir de la création de plateformes d’écoute réservées aux victimes qui désirent se confier et appeler à l’aide. Mais ce ne sera pas suffisant. C’est aux adultes de se mobiliser et de réagir dès les premiers signes du naufrage qu’ils détectent chez l’ado en perdition. De leur côté, les autorités de l’Education nationale doivent être averties, mais aussi sensibilisés en aval et formées aux symptômes de ce fléau chez les victimes.
Cyberharcèlement : Certains clics sont pires que des claques
Par ailleurs, il devient urgent que les responsables des plateformes qui diffusent ces contenus orduriers s’impliquent de leur côté dans la lutte contre le cyberharcèlement. En effet, les photos, propos sexistes et autres contenus abjects sont en mesure de resurgir à tout moment, longtemps après avoir été publiés. Aussi est-il du devoir des politiques de demander aux patrons de ces réseaux numériques de les effacer définitivement de telle sorte d’apaiser le souffre-douleur et de mettre fin au lynchage.
Les parents, premières vigies contre le harcèlement
La lutte contre le cyberharcèlement ne date pas d’hier. Elle a été portée notamment par Nora Fraisse dont la fille, Marion, s’est suicidée à l’âge de 13 ans. Depuis, cette pratique détestable, loin de cesser, est montée en puissance. Le confinement, lié à la crise sanitaire du Covid, a été un facteur aggravant. Voilà pourquoi le temps est venu pour les autorités publiques d’en faire une priorité nationale. Il en va de la santé mentale de nos enfants. Non seulement celle des victimes, mais aussi de la santé des bourreaux.
En effet, le cyberharcèlement trahit chez eux la disparition inquiétante de la frontière entre le bien et le mal, une incapacité à dissocier vie réelle et vie virtuelle, ainsi qu’une absence totale d’inhibition qui va jusqu’à considérer la mort de leur victime comme une issue normale.
Devant la gravité des faits, il serait vain de tout attendre de l’Etat. Les premières vigies face à ce phénomène redoutable sont les parents. Il leur appartient d’en détecter avant les autres les signes et de lancer l’alerte en saisissant les instances habilitées à y mettre fin, voire à lancer les poursuites judiciaires. Cela demande que les adultes soient formés à déceler chez leurs enfants les premiers signaux qui trahissent l’irruption dans son existence de cette chasse à l’homme qui peut s’avérer mortelle. Toutes les campagnes de sensibilisation seront les bienvenues pour éradiquer ces pratiques abjectes.
Jean-Michel Castaing
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