Aux portes de Narbonne et ses environs s’il est un lieu qui concentre l’inquiétude de nombreux riverains, c’est bien l’usine Areva-Malvesi qui traine dans son histoire, une certaine opacité. La population s’inquiète. Radioactivité en masse, rejets nocifs, ce site industriel aux portes de la ville est il vraiment sans danger pour la santé et l’environnement ?
Thor Malvesi : La mobilisation ne faiblit pas
Si le titre de notre article peut ressembler à un film catastrophe tiré d’un livre de science fiction, l’analyse du dossier que subissent de plein fouet les habitants de Narbonne et de ses alentours peut faire peur … et il y a de quoi !
Aux portes de Narbonne, s’il est un lieu qui concentre l’inquiétude de nombreux riverains, c’est bien l’usine Areva-Malvesi. Classée Seveso seuil haut et installation nucléaire de base, cette usine traite un quart du minerai d’uranium mondial et est de ce fait, un des plus grands complexes d’uranium naturel en Europe s’étalant sur plusieurs dizaines d’hectares au nord est, à trois kilomètres à vol d’oiseau de Narbonne.
Avec un taux de radiation 20 fois supérieur à la normale provenant des futs d’uranium stockés sur le site, les risques radiologique de l’usine de Malvesi seraient largement sous évalués aux dires de Bruno Chareyron directeur de la Criirad (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité).
« Si non seulement rester aux abords du site est dangereux, passer en voiture aux abords de l’usine vous assure de recevoir une dose invisible de radiations, même fenêtres fermées » ajoute t-il !
Malvesi, un site industriel ou règne une certaine opacité
Chaque année à Malvesi, 14 000 tonnes d’uranium sont transformées pour servir de combustible aux centrales nucléaires du monde entier. Une série d’opérations chimiques à risques pour lesquels le site est classé Seveso seuil haut. Une activité qui génère de gigantesque quantités de déchets nitratés et radioactifs entreposés dans des bassins et que Areva ne sait plus que faire. Pour en éliminer une partie, le géant du nucléaire prévoit de construire une sorte d’incinérateur … le projet TDN Thor. A Narbonne et ses environs la population s’inquiète. Radioactivité en masse, rejets nocifs, ce site industriel est il vraiment sans danger pour la santé et l’environnement ?
Dans son histoire, une certaine opacité entoure Malvesi. En 2004, un accident provoque l’écoulement des boues nitratées dans les plaines voisines après la rupture d’une digue. A l’époque Areva dissimule la présence de matières radioactives usagées et ne parle uniquement de boues nitratées. Mais des analyse de la Criirad révèle la présence de plutonium, très radio-toxique. Il est clair que le manque de transparence d’Areva continue d’inquiéter la Criirad, mais également toute la population avoisinante.

Alors que ces boues devraient être confinées et stockés dans des futs sur un lieu sécurisé, elles sont stockées dans un endroit inondable, en vrac, dans des lagunes sans barrière d’étanchéité en dessous de celles ci, situées à quelques kilomètres du centre ville de Narbonne. Un entreposage qui laisserait à désirer et qui exposerait directement la population. Les embruns qui sont emportés par les vents à partir des bassins d’évaporations entraine une contamination par divers éléments radioactifs, uranium, plutonium, technétium dans l’environnement. Est il normal que des gens puissent continuer de cultiver leurs champs, leurs légumes et leurs vignes à proximité d’une zone ou des effluents radioactifs sont aujourd’hui à l’air libre ?
Thor Malvesi : dossier gênant et mutisme des élus locaux
Les riverains sont inquiets, car ce nouveau projet risque de bientôt voir le jour sur le site de Malvesi. Le projet Thor, un sorte d’incinérateur à charbon (avec une cheminée de 30 mètre de hauteur pour rejeter les fumées dans l’atmosphère) qui permettra de réduire le volume des déchets. En novembre 2017, il étaient des milliers dans les rues de Narbonne à manifester. Selon ses détracteurs, le projet Thor engendrerait un nouveau cocktail de pollution atmosphérique aux portes de la ville.
Aux dires d’Areva, les principaux constituants de ces fumées seront seulement de la vapeur d’eau (34%), de l’oxygène (8,5 %), de l’azote (52 %) alors que parallèlement, des produits forts nocifs sont émis comme le Nox, (minimisé en communication par Areva) c’est à dire de l’oxyde d’azote, un gaz qui attaque les voies respiratoires. Si le chiffre émis par Areva de 0,02 % de Nox ne représente pas grand chose, les rejets resteront massifs en quantité.
Malvesi : 1 million de m³ de fumées par jour
« L’installation de traitement de ces nitrates va rejeter un million de mètre cube de ces fumées par jour » a dénoncé André Bories, ancien chercheur à l’INRA, un des premiers lanceurs d’alerte de l’association Rubresus qui avait alerté en son temps sur les insuffisances, des lacunes et des erreurs dans le dossier de l’enquête publique. Ces fumées contenant des Nox ne seraient pas le seul problème. La cheminée Thor rejètera d’autres polluants. Parmi eux, une dizaine de perturbateurs endocriniens classés cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques.

Des risques importants pour les enfants et les femmes enceintes
Mariette Gerber, médecin épidémiologiste a pointé du doigt notamment la présence de phtalates ¹ qui entrave le développent des organes génitaux. « Si le foetus est atteint, ou la femme enceinte qui est exposée, ou le jeune enfant, à ce moment on aura les effets les plus forts » … a expliqué Mariette Gerber lors de cette conférence.
Et de rajouter « Même si la dose est relativement faible, même si cela ne dure pas très longtemps, à ce moment d’expositions, les risques sont très importants ». En effet, qui pourra quantifier la notion de risque négligeable pour les personnes résidants à proximité ou en vacances ? Comme par exemple cette jeune femme de 27 ans avec sa fille de 8 mois, venue rendre visite à sa mère pour deux semaines, cette dernière habitant à Saint Marcel sur Aude, à moins de 7 km de l’usine.
Selon l’étude d’impact d’AREVA, 73 kg de phtalate, les DEHP ² seront rejetés dans l’atmosphère chaque année. Mais la DREAL, le service de l’état chargé du contrôle des sites industriels récuse un quelconque risque pour la population. Après un an d’enquête publique et plusieurs expertises, la préfecture a exigé la limitation de certains seuils de rejets polluants. Elle a donné finalement son feu vert au projet TDN Thor en novembre 2017.
Un moral des troupes pas si bas
A la suite de la décision du Préfet de donner un avis favorable à la construction du projet Thor sur le site de Malvesi aux portes de Narbonne, certains auraient pu croire ou penser que le moral des habitants étaient au plus bas. Il n’en était rien, car une nouvelle réunion a eu lieu dans le centre de Narbonne afin d’ informer la population sur les suites du combat en justice emmenés plusieurs associations et de donner des informations générales aux personnes qui ne connaissent pas encore l’usine Areva-Malvesi au nord de la ville.
Durant l’après midi du samedi 24 Mars 2018, au Palais du Travail de Narbonne, plus de 200 personnes sont venus entendre une conférence organisée par cinq conférenciers : Mariette Gerber, Médecin épidémiologiste, Hervé Loquais, Professeur de sciences, membre du Covidem, Didier Latorre, responsable du Groupe Arrêt Nucléaire 34, Albert Cormary, urbaniste membre du Covidem et Fabrice Hurtado, président du mouvement collectif de TCNA ( transparence des Canaux de la Narbonnaise). Cette conférence a permis de montrer l’inquiétude et l’hostilité des habitants face au projet TDN Thor, sur les dernières informations concernant ce projet d’Areva.
La notion de risque en France sous évaluée
Pourtant en France, d’autres exemples montrent que les risques de pollution sont souvent sous évalués et les effets visibles des années plus tard. Le cas de Fos sur Mer est emblématique. En 2017, une étude a prouvé que les habitants de cette zone industrielle, l’une des plus grande d’Europe, ont deux fois plus de cancers, d’asthmes ou de diabète. Mais les élus locaux, en connaissance du dossier, ne bougent pas.
Narbonne et sa région, zone mortifère à cause de Malvési?
Quand on pose la question aux habitants de Narbonne et de ses alentours au sujet de l’usine de Malvesi. Un certain nombre savent que l’usine pollue, mais sans plus … mais beaucoup de personnes ignorent vraiment ce qui se passe derrière les murs de l’usine et ne soupçonnent pas la nature des risques que cette dernière leur fait courir au quotidien. Si certaines personnes sont désormais au courant, elles continueront de nier ou de minimiser l’information tout en faisant la moue, afin de ne pas perdre la valeur immobilière de leurs commerces ou leurs chambres d’hôtes, voire pire les ventes des vins de cette région issues des exploitations agricoles aux alentours. Un non sens dont l’état profite.
Une réaction bien humaine que l’on retrouve dans chaque dossier de cas de pollutions industrielles, exactement comme celles causées par les anciennes mines en Languedoc-Roussillon, avalisées par l’état et les préfectures.
Malgré qu’il n’y ai pas de centrale atomique susceptible de déclencher une catastrophe comme celles de Tchernobyl en Ukraine ou de Fukushima au Japon, la quantité de matière radioactive stockée sur le site de Malvesi représente aux dires de la Criirad, un danger permanent pour l’environnement proche à plus ou moins long terme. Et bruler des effluents nitratés radioactifs dans un futur proche ne va surement pas améliorer les choses pour l’environnement et la santé des riverains.

Développement Economique versus Santé
Toute une action qui démontre la preuve de l’intolérable inaction de l’état qui privilégie trop le développement économique au détriment de la santé des habitants. Face aux enjeux industriels, la santé de la population est parfois mis a mal avec la complicité des élus locaux. Dans ce contexte, pas étonnant que des citoyens fassent preuves d’une extrême vigilance vis à vis de l’état et deviennent des lanceurs d’alerte.
¹ (Les phtalates sont un groupe de produits chimiques et sont essentiellement utilisés dans les plastiques, surtout les PVC, dans lesquels ils font office de plastifiants. Largement utilisés dans l’industrie, on retrouve des phtalates dans les cosmétiques, les peintures, les vêtements ou encore les jouets NDLR)
² (Le phtalate de bis (2-éthylhexyle), phtalate de di-2-éthylhexyle, aussi désigné sous les sigles DEHP (de l’anglais DiEthylHexyl Phthalate) ou DOP(dioctylphthalate), est donc un phtalate de formule brute C24H38O4 considéré comme dangereux pour la santé et est retiré progressivement du marché européen entre 2014 et 2015, sauf autorisation spéciale. Comme les autres phtalates, cette substance est notamment utilisée comme additif en tant que plastifiant et est considéré comme un perturbateur endocrinien avec diminution de la synthèse de la testostérone.)
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