L’éducation de vos ados face aux réseaux sociaux
Tout ce que vous avez toujours pressenti que les ados vous cachaient en consultant les écrans sans jamais le deviner (ni oser leur demander)
(ni oser leur demander). Qu’il est difficile d’éduquer ses enfants à l’heure des réseaux sociaux ! Ceux-ci sont tellement fascinants, avec leurs « amis », leurs notifications qui semblent tomber du ciel, leurs « likes » instantanés, les gratifications narcissiques qu’ils procurent lorsque ma photo est « likée » des milliers de fois et partagée illico ! Tellement fascinants que la réalité, la dure et triviale réalité, a du mal à supporter la comparaison à côté !
Un monde fascinant et apparemment illimité
C’est que l’ écran semble vouloir nier toute espèce de limites. Muni de son smartphone, l’enfant est en mesure de communiquer avec un correspondant à l’autre bout du monde. Il peut voir sa photo circuler sur Snapchat d’ un simple clic, et devenir visible par tout un réseau de « followers ». La notoriété n’est plus le fruit d’un dur labeur : elle est à portée de la souris. Si vous êtes las, ou honteux, de votre identité héritée de vos ascendants, vous pouvez multiplier les « pseudos », et changer ainsi de personnalité.
Toute-puissance de l’internaute
Surtout, pour les plus jeunes, il est d’autant plus difficile de coller au principe de réalité qu’ils ne rencontrent aucune contrainte sur la Toile. Si une « fenêtre » du web ne leur parle pas, il leur est toujours loisible d’en ouvrir une autre dans la seconde qui suit. La possibilité de surfer d’une vague à l’autre ne fait jamais défaut. Les offres du Net semblent inépuisables. Alors que le monde réel semble étriqué, limité, obèse, hiérarchique, gouverné par de vieux acariâtres, et archi-règlementé, le continent numérique, lui, offre un visage avenant, paraît ludique, ouvert à toutes les nouveautés, éternellement jeune : chacun y est roi dans son royaume virtuel.
Un « ami » a osé critiquer votre ado sur Facebook : aussitôt, et sans s’inspirer de la vague « dégagiste » qui déferle sur l’Europe, votre petit empereur l’expédie séance tenante dans les ténèbres extérieures, entendez en dehors de son réseau ! Auprès de cette toute-puissance, que les remontrances des parents sont dures à supporter ! D’autant plus que ce sont eux, les ados, qui ont dû initier ces benêts d’adultes aux subtilités des écrans !
Toute-puissance souvent tempérée par un suivisme et un mimétisme des plus grossiers, et qui peut prendre un tour particulièrement abject. Par exemple lorsque le souffre-douleur de l’école continue à être stigmatisé sur les réseaux sociaux. Cette triste réalité est, hélas ! un phénomène assez courant chez les ados. Combien de jeunes se sont suicidés à la suite du harcèlement d’une meute embusquée derrière des écrans, et que cette invisibilité numérique confortait dans ses sentiments de toute-puissance et d’impunité !
Les écrans sont un frein à la capacité de concentration
Sautillant d’une vidéo à une autre, le jeune webnaute voit ses facultés logiques s’anémier de jour en jour. Le temps passé devant la tablette atrophie les facultés de logique et de raisonnement. Surtout, la temporalité hachée, discontinue, de la planète numérique affaiblit considérablement la capacité de concentration de nos jeunes. Habitué à passer d’un sujet à un autre à la vitesse de l’éclair, l’ enfant éprouve beaucoup de peine à suivre un exposé ou un raisonnement long, sa logique austère et ses développements rigoureux. Dans ces conditions, comment les professeurs arriveraient-ils à captiver son attention plus de dix minutes ?
De plus, l’omniprésence de l’image lui rend les raisonnements abstraits assez rébarbatifs. Une vidéo, c’est tellement plus ludique ! Que les grandes personnes sont barbantes à la fin, avec leur rationalité rigide et leurs discours structurés ! « C’est pas cool ! »
Le web, un terrain de jeu pour le narcissisme
A cela s’ajoute la culture narcissique véhiculée par les écrans. Dans le monde virtuel, il s’agit d’offrir l’image la plus flatteuse de soi. Cette gravitation autour de l’orbite de l’ego rend les ados de plus en plus fragiles car trop dépendants de l’opinion des autres. Les réseaux deviennent un vaste jeu de miroirs (souvent truqués), qui peut s’avérer très cruel. Il n’est pas rare que les plus fragiles, ou les moins gracieux physiquement, servent d’exutoire à la pulsion de lynchage, ou à la cruauté gratuite.
A milieu de cette jungle numérique, les parents se sentent rapidement hors jeu. Ils devinent souvent trop tard qu’ils sont les dupes de leurs enfants, qui n’ont quant à eux aucune difficulté à leur cacher leurs agissements sur les écrans. Les cas ne sont pas rares où les adultes restent dans l’ignorance des sites que leurs adolescents consultent régulièrement à leur insu. Sites que ces derniers ont de bonnes raisons de vouloir celer à leurs parents !
Un faux semblant de la culture pour tous
Pour toutes ces raisons, les écrans n’ont pas vocation à devenir une source de démocratisation de l’enseignement. Ce serait trop leur demander. L’accès à une vaste culture dépend encore des conditions de la « vraie vie », c’est-à-dire, dans ce cas précis, des exigences des parents. Ce sont eux qui aideront et inciteront l’ado à s’orienter dans la forêt vierge numérique, de façon à aller vers les sites qui le nourriront culturellement, en aiguisant chez lui une saine et profitable curiosité.
Quant aux enfants que les parents ont des difficultés à accompagner dans une quête culturelle exigeante, parents qui ne leur ont pas fourni un solide complément d’enseignement à cette déferlante anarchique d’images, le Net devient vite pour eux un piège et une prison. Ce n’est pas la tablette qui leur enseignera en effet qu’il est plus important, pour leur développement futur, d’étudier les classiques littéraires plutôt que le dernier morceau de la star du moment visible sur YouTube.
Le smartphone n’est pas un précepteur
Les réseaux sociaux, et les écrans en général, ne facilitent ni la tâche de l’éducation, ni celle de l’enseignement. Les écrans ne seront jamais des pédagogues. Ils entretiennent plutôt l’enfant dans l’illusion que la réalité cède à la moindre manifestation de ses désirs ! Grossière contre-vérité ! Cela n’est vrai que dans le monde virtuel. Dans la réalité, les choses sont plus compliquées.
Bien sûr, les ados sont suffisamment intelligents pour le comprendre. Ils savent faire « la part des choses », la part entre les limites du réel et la kyrielle de « mondes parallèles » qu’offre le Web. Mais cela ne signifie qu’ils sont prêts à excuser pour autant le réel d’être si limité et si lent à répondre à leurs désirs ! La radicalisation, par écran interposé, est un signe parmi d’autre qu’il n’est pas toujours facile de gérer, pour les parents comme pour leur progéniture, le hiatus existant entre monde virtuel et monde réel.
Discussion à propos de ce post