L’Occitanie est riche de toute une palette de traditions de Noël.
Notre région d’Occitanie est effectivement riche de toute une palette de traditions de Noël, mais elle n’est pas la seule en France.
Que l’on pense par exemple aux Noëls provençaux, le mois de décembre représente l’occasion de faire revivre ces différentes manières de célébrer le mystère de la Nativité. Noël est une fête de terroirs, enracinée et populaire. Dans certaines contrées, il n’est pas rare de voir des villages rivaliser d’inventivité. Les traditions de la Septimanie sont différentes de celles des Pyrénées. Les légendes sont aussi de la partie. N’oublions pas que le 25 décembre est le solstice d’hiver. C’est l’Eglise qui a christianisé cette fête païenne.
En pleine effervescence !
Nos villes se parent de leurs meilleurs atours, comme si elles attendaient le Fiancé des siècles. Ne voulant pas demeurer en reste, les villages installent des sapins illuminés sur la place de l’hôtel de ville, et des guirlandes un peu partout. Des initiatives de solidarité se font jour ici et là, histoire de rappeler que Noël, avant d’être l’occasion de réveillonner en famille, est d’abord la fête des pauvres. Nous sommes plus sensibles aux SDF de nos villes en cette période hivernale que le reste de l’année – ce qui n’est forcément positif. Les sans-abri meurent davantage en été qu’en hiver.
Boulangers et pâtissiers sont sur la brèche.
Il faut confectionner le pain de Noël, et se creuser la tête pour inventer la bûche la plus originale. Et puis il y a l’incontournable Marché (de Noël), tradition qui nous vient du monde germanique, plus exactement de Vienne au XIII e siècle. Les enfants sont émerveillés par les santons des crèches de nos églises ou des endroits publics qui ont le courage de leur offrir l’hospitalité. En Provence, les habitants n’hésitent pas à se représenter dans la crèche, à côté de la Sainte Famille ! Et quelle lumière s’allume dans les yeux des petits lorsque leurs parents les conduisent au spectacle d’une crèche vivante ! Quelle joie est la leur quand ils peuvent caresser la tête de l’âne ! Pour le boeuf, c’est un peu plus compliqué …
Une fête universelle
Au milieu de cette effervescence, deux dérives sautent aux yeux. La première est la tendance à trop folkloriser l’événement, avec son corollaire : l’oubli de la dimension universelle de Noël. Jésus n’est pas né en Provence, ni à Lodève, mais à Bethléem, dans l’actuel Etat d’Israël. Il est né Juif, d’une mère juive. Je ne prétends pas apprendre cette identité à personne. Mais il est bon de s’en souvenir, de sorte à nous décentrer quelque peu, et à mieux appréhender la caractéristique universelle de la Nativité.
Pour les croyants, cette naissance a en effet des répercussions qui vont bien au-delà du périmètre non seulement de la Terre sainte, mais aussi de leur famille, de leur clan et de leur pays. C’est toute l’humanité qui est concernée par ce qui est arrivé une certaine nuit, il y a plus de mille ans, dans cette Palestine sur laquelle l’Empire romain d’Auguste avait fait main basse. Non pas que nos traditions locales s’en trouvent dépréciées. Néanmoins rappelons-nous, nous qui nous vantons à tout propos de notre « ouverture d’esprit », que nos traditions font partie d’une immense chaîne festive qui court tout autour de la planète Terre.
Une fête de Noël peu à peu vidée de sa signification
La seconde dérive est la dérive festive de nos Noëls postmodernes. La fête y supplante peu à peu leur signification originelle qui est de nature religieuse. Le consumérisme emporte tout. La fête des pauvres devient celle de la frénésie d’achats ! Les Français font la fête, mais beaucoup ignorent la signification profonde de Noël. La « fête de la famille » a supplanté la célébration de l’Incarnation, c’est-à-dire la venue du Fils de Dieu parmi nous. Noël est devenu un événement qui s’alimente à sa seule énergie festive, comme une dynamo qui nous dispenserait de nous brancher sur le secteur divin. Par là, la déesse Consommation nous épargne l’effort de chercher un autre motif à nos festivités que celui de nous éclater, d’oublier, de nous bercer de l’illusion de l’enfance retrouvée l’espace d’une soirée. Nous croyons avoir gagné au change, alors que la joie file entre nos mains. Nous guettons des signes de gratitude sur le visage de nos enfants. Mais ces derniers sont trop occupés de leur nouveau smart-phone pour nous prêter attention…
Ce n’est pas agir en mauvais-coucheur que de souligner le vide au-dessus duquel nous dégustons la dinde. Bien sûr, la messe de minuit fait de la résistance. Mais s’y rend-on pour recueillir des « impressions d’antan », par goût des traditions, pour s’imprégner de la poésie du conte d’Alphonse Daudet Les Trois Messes basses, ou bien pour vivre le mystère divin et vibrer à la joie céleste qui s’en dégage ? Question qu’il n’est pas interdit de se poser, dût-on passer pour un pisse-froid ou un trouble-fête …
Nul mieux que Philippe Muray n’a décrit cette dérive : « L’appropriation parHomo festivus du calendrier se réalise progressivement mais sûrement, et les dates de fêtes, généralement religieuses ou nationales, qui rythmaient l’ancienne aventure humaine, se retrouvent peu à peu vidées de leur vieille signification pour être tout aussitôt remplies d’effervescence festives. »
Que ces considérations ne nous gâchent pas cependant la fête, et ne fassent pas tourner le Sauternes !
Bonne fête de Noël quand même !
Crédit photo : Emilie Johnson
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