Beaucoup de questions sur le président Macron
Tous les électeurs se sont-ils posés les mêmes questions qu’Emmanuel Macron ?
Après son élection, Emmanuel Macron s’est promis de couper l’herbe sous les pieds au vote extrémiste. Plus exactement, le nouveau Président désire annihiler les raisons qui poussent de très nombreux électeurs à opter pour les options radicales offertes par l’offre politique.
Mais de quoi parle-t-on dans cette affaire ? Du vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen ? Emmanuel Macron n’est-il pas victime là-dessus d’un malentendu ? Pour que ce dessein ait des chances d’aboutir, encore faut-il que les trois parties en présence (France insoumise, FN et En Marche !) (je pourrais rajouter les autres votes) se posent les mêmes questions. Est-ce vraiment le cas ?
L’économie n’est pas tout
Il est à craindre que Macron succombe à la maladie de beaucoup d’hommes politiques : l’économisme. Cette croyance, couvée surtout par les technocrates, véhicule une vision purement managériale de la société. Selon elle, il suffit de faire repartir la courbe de croissance à la hausse, de réduire le chômage, de placer les start-up dans les meilleurs conditions possibles, pour que les angoisses de nos concitoyens se dissipent. Perspective qui resserre considérablement la focale des ambitions (même si nous sommes tous concernés par le retour de l’emploi !). Certains électeurs demandent davantage à la politique.
Si le nouveau Président désire réduire le fracture entre la France qui regarde la mondialisation avec assurance, et celle qui l’appréhende, il lui sera nécessaire de bien identifier les questions que se pose la France qui n’a pas voté pour lui. Les plans com’, de même que les tactiques électorales, n’ont qu’un temps. La France réelle, la France profonde, ne tardera pas à refaire surface.
Mais quelles sont au juste les désirs, les attentes, de celle-ci ? Macron croit les avoir identifiés. Mais ne se leurre-t-il pas ? Son foudroyant succès ne risque-t-il pas de l’aveugler ? Sa blitzkrieg électorale est un signe profond d’intelligence. Sera-ce suffisant pour se laisser questionner par le pays dont il a maintenant la charge ?
L’attente de la France des profondeurs
La France n’est pas née d’hier. Macron le sait. A rebours de ce qu’il a laissé entendre, il existe bien une culture française. Il existe même une civilisation française, avec ses moeurs, ses rites, ses symboles, son savoir-vivre, toutes choses auxquelles les électeurs « populistes » restent très attachés. Si Macron désire être leur président, il lui faudra écouter leurs angoisses, leurs questionnements, sous peine de se couper du pays réel.
Il ne devra pas se contenter de rassurer au sujet de la mondialisation, en promettant de « protéger ». Surtout, il ne pourra pas éluder bien longtemps la question de l’ « insécurité culturelle » ressentie par beaucoup de citoyens, ainsi que les problématiques liées aux sujets de société qui fâchent : immigration, contrôle des frontières, radicalisme islamiste.
Le retour des sujets de société
Parviendra-t-il à sortir de l’ambiguïté qui a fait sa force ? Son souci de dépasser le clivage droite-gauche, aussi louable soit-il, a ses limites. Refuser de se poser les questions dérangeantes est peut-être habile durant une campagne électorale. Mais à la longue, une telle attitude n’est pas tenable, surtout pour la personne qui est au timon de l’Etat.
Très vite, la politique va reprendre ses droits. Tout n’est pas soluble dans les dispositifs économiques. Macron a beau être un pragmatique, prétendre régler les problèmes les uns après les autres, les Français vont très vite vouloir discerner quelle vision l’habite en profondeur. Le nouveau président désire convaincre les électeurs ayant « succombé » à la tentation « populiste », de mieux voter à l’avenir. Encore faudrait-il qu’il sache répondre à leur angoisses, sans criminaliser a priori ces dernières.
Eviter le marécage des abstractions pour regagner la terre ferme de la politique
Macron sait que son élection est due en grande partie au rejet de sa concurrente du second tour. Cela ne le disqualifie pas pour tenter de répondre aux interrogations de ceux qui n’ont pas voté pour lui. Mieux : cela l’oblige d’autant plus.
Surtout, espérons que notre président ne noiera pas le poisson avec les incantations, usées jusqu’à la corde, des « valeurs de la République », qu’il sera suffisamment avisé pour ne pas transformer les questions qui fâchent, comme la problématique de la dislocation du tissu national, en querelle morale. La réponse au vote soi-disant « populiste » ne s’opérera pas en effet avec le secours d’ abstractions indolores, en ignorant l’ancrage historique et charnel de notre culture.
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