Le défi que pose à nos sociétés individualistes le nombre croissant de personnes âgées sera l’un des sujets politiques majeurs dans les années à venir. Nous sommes tous concernés par ce phénomène massif dont le traitement ne doit pas devenir l’apanage des seuls spécialistes du grand âge.
Des personnes âgées isolées de plus en plus nombreuses
Un phénomène inquiétant se développe à bas bruit autour de nous : l’isolement croissant et la solitude des personnes âgées. Ce désastre social touche environ plus de 500 000 personnes en France. A ces chiffres s’ajoute le nombre de celles et ceux qui ne reçoivent plus la visite de membres de leur famille ni celle d’amis : ils seraient entre 1 et 2 millions !
Enfin, à ces données objectives est associé le sentiment de solitude qui augmente lui aussi dans des proportions inquiétantes. Le retrait du monde du travail, l’exclusion des pratiques numériques et la détérioration de la santé contribuent fortement à accentuer l’impression d’esseulement. Dans tous ces cas, le sentiment de solitude n’est pas une réalité évanescente mais constitue à lui seul une réalité constitutive du mal objectif qu’il aggrave.
Crise sanitaire, mobilité professionnelle et démographie
La crise du Covid a amplifié le phénomène. Les confinements successifs ont doublement pénalisé les personnes âgées : assignées à résidence, elles ont vu décroître le nombre de bénévoles qui venaient leur rendre visite en temps normal. A l’occasion de la pandémie, les effectifs des associations comme par exemple « Les petits frères des pauvres » ont grandement diminué. D’autre part, l’impératif de mobilité professionnelle oblige beaucoup d’adultes à déménager et à s’éloigner de la sorte du lieu de domicile de leurs vieux parents.
Cependant, la tendance de grande ampleur qui accélère le plus le processus d’isolement de nos aînés est le bouleversement démographique qui voit les générations du baby-boom arriver à la retraite tandis que leur espérance de vie continue à augmenter. Si bien que le ratio entre actifs et inactifs ne cesse d’évoluer dans le sens d’une égalisation du nombre des seconds par rapport à celui des premiers.
Ce déséquilibre démographique fait craindre une paupérisation croissante des personnes âgées ainsi qu’une relégation sociale subséquente pour les plus démunies d’entre elles. Qui paiera en effet les retraites et les soins médicaux dont les coûts s’alourdissent avec les années ? L’augmentation, brute comme relative (par rapport aux personnes qui cotisent), du nombre de personnes en perte d’autonomie doit interpeller les pouvoirs publics dès maintenant. Bientôt, un tiers de la population sera à la retraite en France ! Le défi est considérable.
Recréer du lien social avec les personnes âgées
Les associations s’inquiètent également des cas de décès de personnes isolées que l’on retrouve à leur domicile longtemps après leur trépas. Certains élus envisagent de créer des services civiques qui iront recenser les seniors isolés afin de tenter de les remettre dans le circuit social : visite à domicile, mise en contact avec d’autres personnes âgées, adhésion à un club de jeux, solidarité de voisinage, etc. Toutes les initiatives pour recréer du lien social seront les bienvenues. Signalons par exemple l’entreprise « Petits-fils » spécialisée dans l’aide à domicile des personnes âgées.
Changer nos regards sur les seniors
Toutefois, l’impulsion de ces initiatives, qu’elles soient associatives, économiques ou politiques, nécessite en aval un changement de regard sur les personnes âgées. Notre société individualiste valorise excessivement les jeunes et avec eux l’adaptabilité, la flexibilité, la mobilité, l’efficacité et au final la vitesse. Or, toutes ces caractéristiques déclinent avec l’âge. Du coup, les personnes âgées n’entrent plus dans les canons de l’être humain souhaitable et désirable tel que le rêve notre société hédoniste. C’est là l’ultime handicap dont elles souffrent.
Au rebours de cette tendance idéologique, en Afrique comme dans les sociétés traditionnelles, les « vieux » sont mis à l’honneur. D’ailleurs, le qualificatif « vieux » n’y est pas dépréciatif, à l’inverse de ce qu’il est devenu en France où on se croit obligé de mettre le mot entre guillemets afin de ne pas froisser et stigmatiser la personne à laquelle on accole ce qualificatif.
Remettre nos aînés à l’honneur nécessitera de retrouver le sens de la transmission, de l’héritage culturel, de l’expérience ainsi que la relativisation de l’immédiateté sous toutes ses formes et du temps court dans lequel nos pratiques numériques, nos économistes distingués et certains de nos politiciens s’engluent trop souvent.
Une société qui ne s’occupe pas de ses aînés honorablement et qui ne reconnaît pas sa dette à leur égard, est une société qui implose de l’intérieur.
Jean-Michel Castaing
Personnes âgées : Richesse culturelle pour une société amnésique
Au lieu de considérer nos aînés comme des poids morts ou de simples consommateurs de services ou de loisirs, nous serions bien inspirés de les inclure dans un tissu d’activités où ils pourront donner le meilleur d’eux-mêmes et enrichir de la sorte le reste de la population par leur sagesse, leurs expériences et les traditions dont ils gardent mémoire.
Nos aînés représentent souvent le dernier fil qui nous rattache aux richesses de notre passé glorieux. Si nous ne les honorons plus comme ils le méritent, c’est toute une part de notre histoire que nous jetterons aux oubliettes et avec elle ce que nous sommes dans notre profondeur civilisationnelle.
Changer notre regard sur les personnes âgées consiste d’abord à les considérer comme une chance pour la société. En revanche, si nous ne les appréhendons plus que d’après le prisme financier, économique et sanitaire, non seulement nous les ferons déchoir de leur dignité, mais par contre coup nous perdrons à notre tour la nôtre. Car la façon dont nous les traiterons sera la pierre de touche et la sauvegarde de notre propre dignité.
Une société qui ne s’occupe pas de ses aînés honorablement et qui ne reconnaît pas sa dette à leur égard, est une société qui implose de l’intérieur.
Le lien affectif et spirituel entre les hommes est une donnée plus fondamentale que le PIB par habitant. La reconnaissance de l’humanité des personnes âgées et les actes conséquents que nous poseront en fonction d’elle consolideront la nôtre. Sinon, l’amnésie et le nihilisme qui lui fera cortège nous rendront mûrs pour la décadence et l’asservissement.
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