Découvrez les châteaux et célébrités en Languedoc
Visiter les plus prestigieux châteaux du Languedoc, ce n’est pas seulement satisfaire un désir esthétique mais aussi se projeter dans l’histoire de France à travers les figures de personnages célèbres qui la marquèrent de leurs empreintes.
Le Rhône, les Cévennes et la mer délimitent un triangle de vignes et de garrigues : le Languedoc méditerranéen, couvrant trois départements – le Gard, l’Hérault et l’Ardèche auxquels on peut rajouter l’Aude. Sous son aspect nonchalant, le Languedoc a conservé son ardeur et ses convictions dont témoignent à la fois son histoire et les châteaux qui l’illustrent par leur architecture et les personnages célèbres qui y séjournèrent.
Castries et Henriette de Maillé
Henriette de Maillé, devenue duchesse de Castries, est passée à la postérité pour avoir inspiré à Balzac le personnage de la duchesse de Langeais. En 1831, Balzac avait reçu d’elle un billet où elle déclarait apprécier son œuvre. Elle le reçut dans son hôtel, rue de Grenelle, à Paris. Ebloui par le faste de la demeure, l’écrivain tomba amoureux de la marquise qui, séparée de son mari depuis 1819, tenait néanmoins à sauvegarder les apparences. Balzac passait tous les soirs chez elle. De son côté, elle lui fit connaître ses brillantes relations et n’eut aucune peine à lui faire partager ses opinions politiques légitimistes favorables à la monarchie.
Mais, en 1832, au cours d’un voyage à Aix-les-Bains, importunée par les assiduités du romancier, la duchesse de Castries mit fin aux espérances de Balzac. Au désespoir de celui-ci succéda la vengeance. En 1934, paraissait « la Duchesse de Langeais ». Mme de Castries y apprenait que « les duchesses sont dures » et que « ces natures de femme ne s’amollissent que sous les coups ; la souffrance leur donne un cœur ». Balzac commençait son roman en mettant son modèle dans son élément : « Au commencement de la vie éphémère que mena le faubourg Saint-Germain pendant la Restauration (…) une femme fut passagèrement le type le plus complet de la nature à la fois supérieure et faible, grande et petite de sa caste ». La description qu’il fit d’elle ne trompa pas les initiés : La duchesse de Castries était bien cette « femme dépensant les plus riches trésors de l’âme à obéir aux convenances, prête à braver la société, mais hésitant et arrivant à l’artifice par suite de ses scrupules (…) cette femme en qui les teintes les plus chatoyantes se heurtaient, mais en produisant une confusion poétique, parce qu’il y avait une lumière divine, un éclat de jeunesse qui donnait à ses traits confus une sorte d’ensemble ».
Bien avant la période de la Restauration, en 1693, le domaine passa à un descendant de la lignée des Castries. Or, ce descendant épousa une nièce de Mme de Montespan dont Saint-Simon a laissé un portrait célèbre : « Mme de Castries état un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé dans un médiocre anneau : ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l’air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d’esprit et qui tenait encore plus parole. Elle savait tout : histoire, philosophie, mathématiques, langues savantes, et jamais il ne paraissait qu’elle sût mieux que parler français ; mais son parler avait une justesse, une énergie une éloquence, une grâce jusque dans les choses les plus communes, avec ce tour unique qui n’est propre qu’aux Mortemart. Aimable, amusante, gaie, sérieuse, toute à tous, charmante quand elle voulait plaire, plaisante naturellement avec la dernière finesse, sans la vouloir être, et assénant aussi les ridicules à ne jamais les oublier ».
A noter : le maréchal de Castries, né en 1727, remporta à 33 ans la bataille de Clostercamp sur le duc de Brunswick. Le maréchal donna Castries en 1777 à son fils qui épousa Adrienne de Bonnières, excellente musicienne à qui Mozart avait dédié son concerto pour flûte et harpe.
La Piscine et Elisa Bonaparte
La construction du château de La Piscine fut entreprise au milieu du XVIII e siècle et fut achevée en 1771. Il est resté célèbre par un hôte prestigieux : la sœur de Napoléon, Elisa Bonaparte. Cette dernière fut princesse de Lucques et grande-duchesse de Toscane. Elle se montra une femme énergique, active et très bonne administratrice de ses Etats. Après la chute de l’Empire, elle vécut à Bologne puis en Allemagne. Elle mourut à Trieste en 1820.
« Voilà donc cette catastrophe arrivée ! » écrivait-elle à Fouché, le ministre de la police, le 15 avril 1814. Chassée de ses Etats, elle était alors réfugiée à La Piscine qu’elle avait louée pour trente francs par jour. Elle poursuivait : « Tout est perdu. Je me décide à partir pour Naples. Je ne résiderai jamais à l’île d’Elbe. Je veux me fixer à Rome, si le gouvernement français n’y voit pas d’obstacle et si le pape le veut. (…) Nous sommes proscrits, tout le monde nous accable ! » En effet, le maire de Montpellier l’avait fait prévenir des dangers qu’elle courait, la population de la ville s’apprêtant à venir piller le château. Dès le 16 avril, elle partait précipitamment, en chaise de poste, déguisée, sans suite, pour Marseille. Elle mourut à 44 ans.
Saint-Privat et Louis XIII
L’origine du château est ancienne. L’édifice occupe l’emplacement d’une agglomération de villas romaines. En 842, en reconnaissance de la victoire remportée par Charles Martel sur les Sarrasins d’Afrique au plateau de Signargues, le duc d’Aquitaine édifia sur la rive du Gardon une cathédrale dédiée à la Vierge et sous l’invocation de saint Privat, évêque de Mende. La crypte et les chapelles latérales existent toujours sous la cour d’honneur, entrée du château actuel.
Le domaine fut la propriété de divers personnages historiques, parmi lesquels les Comtes de Toulouse, Simon de Monfort et Richard Coeur de Lion. Les premières réunions de la religion dite réformée eurent lieu dans la salle du premier étage qui porte encore l’appellation de « salle des Prophètes ». Cette salle a conservé, sous son plafond à solives « à la française », sa vaste cheminée de pierre du XV e. Une bible est posée sur la table Renaissance.
Le 7 juillet 1629 se déroula dans le « salon de la Paix » du château un évènement d’une extrême importance. Il s’agit de la cérémonie qui marquait l’ultime phase de « l’Edit de grâce » signé à Alais à la fin du mois de juin. A cette occasion, Richelieu remettait au roi Louis XIII les otages des bourgades de Vers, Romolins et Fournes, otages pris afin de garantir la soumission au roi. La paix d’Alais (ou de Nîmes) mettait fin à la dernière des guerres de religion. Vaincus à La Rochelle, les protestants se voyaient contraints d’abattre les fortifications des villes passées à la Réforme, perdaient nombre de leurs privilèges mais conservaient la liberté d’exercer leur culte. En 1622, c’est à Saint-Privat que le duc de Rohan, chef de l’armée protestante, fit sa soumission au duc de Lesdiguières.
Uzès et Louise de Clermont-Tallard
Veuve en premières noces de François du Bellay, Louise de Clermont-Tallard épousa en secondes noces Antoine de Crussol d’Uzès en 1556, premier duc d’Uzès. Louise devenait de la sorte la première duchesse d’Uzès. Elle était l’amie intime de Catherine de Médicis qu’elle assistait dans de périlleuses négociations politiques. La duchesse arriva à ramener à la cause catholique son mari, un temps tenté par le protestantisme.
Les fils de Catherine de Médicis, rois de France, s’attachèrent beaucoup à elle. Charles IX, dont elle avait été la gouvernante, l’estimait fort. De son côté, Henri III devait entretenir avec elle, vers 1577, une correspondance amoureuse très leste et que l’on veut croire ironique si l’on songe que la duchesse avait alors dépassé les 70 ans ! Quant à Marguerite de Valois (la reine Margot), elle l’appelait « ma sibylle, mon conseil, ma compagne, ma nourrice ». La duchesse devait mourir dans son comté de Tonnerre en 1596, ayant survécu à la cour des Valois où elle avait brillamment tenu son rôle.
Dès l’époque romaine, une forteresse romaine était établie à Uzès. Elle abrita au IX e siècle Duoda, fille de Charlemagne, reléguée par son époux, le duc de Septimanie. Duoda composa pour son fils, Guillaume d’Aquitaine, un des premiers traités d’éducation, le « Liber manualis ».
Enfin, dernière célébrité en date du château d’Uzès : la duchesse d’Uzès, née Mortemart (1847-1933). Elle se rendit célèbre à la fois pour la splendeur de ses chasses à courre et ses opinions libérales. Elle fit campagne en faveur du vote des femmes et contribua à l’adoption de la loi de 1907 selon laquelle une femme mariée peut disposer librement de son salaire. Elle fut également la première femme à passer et obtenir en 1897 le permis de conduire. Elle devait d’ailleurs récolter au bois de Boulogne une contravention pour « excès de vitesse » : elle roulait à 13 km/heure ! Une pièce du château renferme un charmant portrait de la duchesse qui la montre coiffée du tricorne qu’elle portait à ses célèbres chasses à courre.
Lézignan-la-Cèbe et la duchesse de Montmorency
Arrière-petite-nièce du pape Sixte Quint, nièce de Catherine de Médicis, Marie-Félicie des Ursins tomba follement amoureuse du mari qu’on lui destinait dès son arrivée en France : Henry II de Montmorency. Celui-ci, amiral et maréchal de France, gouverneur du Languedoc, souleva la province contre le pouvoir royal. Vaincu à Castelnaudary, couvert de blessures, il fut capturé et mené à Toulouse où devait avoir lieu son procès. Marie-Félicie, incarcérée à Moulins, ne put revoir son époux avant l’exécution de celui-ci dans la cour du Capitole de Toulouse en 1632. Elle-même ne fut libérée qu’en 1633 et immédiatement se réfugia dans le couvent qu’avait fondé dans la capitale du Bourbonnais son amie Jeanne de Chantal. Elle fit élever un somptueux mausolée à Henri de Montmorency dans la chapelle du couvent. Elle prit le voile en 1657 et y termina sa vie toute de renoncement.
Au début de son mariage, Marie-Félicie, très pieuse, souffrit de la licence qui régnait autour de Montmorency. Aussi, lorsque celui-ci résidait en Languedoc, elle préférait le calme du château de Lézignan-la-Cèbe à celui de la Grange-des-Prés où résidait le duc. Elle dut cependant abandonner cette pieuse retraite pour s’engager dans la voie étroite qui devait l’amener à mourir de la plus édifiante façon en 1666 comme prieure de la Visitation de Moulins.
Montfrin et Louis XIII
Le 28 juin 1642, Louis XIII, la mort dans l’âme, quittait Montfrin où il avait passé douze jours, après le siège de Perpignan. Il allait en litière trouver Richelieu à Tarascon. Le roi avait appris le complot dans lequel avait trempé son favori, Cinq-Mars. Louis XIII se doutait bien que le cardinal lui demanderait la tête du comploteur. Le cardinal et la raison d’Etat triomphèrent de l’affection du souverain : le 12 septembre, Cinq-Mars montait sur l’échafaud.
Les fondations du puissant donjon du château de Montfrin remontent au début de notre ère. L’empereur romain Antonin le Pieux aurait fait élever cette tour pour servir de refuge aux légions romaines cantonnées à Nîmes et chargées de débarrasser le pays des brigands qui l’infestaient. Lors des invasions sarrasines, Montfrin fut le théâtre d’une victoire de Charles Martel. On dit que c’est en se baignant, après la bataille, dans la fontaine voisine de Font-Cluse (aujourd’hui Maynes) que les blessés découvrirent les vertus curatives de ses eaux.
A l’intérieur du château, le grand escalier du XVII e siècle est orné d’un magnifique décor en trompe-l’œil qui montre, dans des niches flanquées de pilastres, les effigies de Louis XIV et de ses maréchaux.
Aubenas et le maréchal d’Ornano
Aubenas est attaché à la mémoire du maréchal d’Ornano, seigneur d’Aubenas. Il descendait du fameux Sanpiero de Bastelica, héros du soulèvement de la Corse contre Gênes.
Tout avait bien commencé entre le maréchal et Louis XIII. Jean-Baptiste d’Ornano avait pris le parti du roi de France et de Luynes contre Concini, favori de la reine mère, Marie de Médicis, d’où sa rapide fortune : il fut nommé en 1618 lieutenant général de Normandie et aussi, pour son malheur, gouverneur de Monsieur, frère du roi, le futur Gaston d’Orléans. Or, Gaston d’Orléans n’arrêtait pas d’intriguer contre le roi. Gaston était brouillon et pusillanime.
D’Ornano fut incarcéré une première fois en 1624 pour avoir incité Gaston, alors âgé de 16 ans, à solliciter son entrée au conseil du roi – prétention qui n’était pas du goût de Louis XIII. Cependant, il rentra bientôt en grâce et fut même en 1626 créé maréchal de France. La cabale à laquelle il prêta son nom devait causer sa perte : il avait, avec ses partisans, tenté de contrecarrer le projet de mariage élaboré par le roi et le cardinal de Richelieu, entre Gaston et l’héritière de la maison de Montpensier. Son arrestation le 4 mai 1626 fut le signal d’une conspiration encore plus hostile au cardinal, celle de Chalais. Comme toujours, Gaston abandonna ses amis, se soumit et épousa Mlle de Montepensier…avant de se lancer dans de nouvelles et désastreuses intrigues. Gaston d’Orléans fut le père de Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, appelée la Grande Demoiselle. Durant la Fronde des princes, celle-ci fit ouvrir les portes de Paris aux troupes de Condé qui allaient être écrasées par Turenne et fit tirer sur les troupes royales des créneaux de la Bastille le 2 juillet 1652.
Pour en revenir au maréchal d’Ornano, il mourut le 2 septembre 1626 au donjon de Vincennes avant d’avoir pu être jugé. « Je suis infiniment fâché, écrivait Louis XIII à Richelieu, que la mort du maréchal d’Ornano ait prévenu le jugement de son procès ».
Le chemin de ronde à mâchicoulis du château d’Aubenas a été aménagé à la fin XVe. Les échauguettes qui flanquent le donjon carré et les toitures datent du XVIIe et sont l’œuvre du maréchal d’Ornano et de sa femme, Marie de Modène-Monfort qui apporta le château à son époux.
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