Le sujet reste tabou. Tout près du parc national des Cévennes, la terre et les rivières sont contaminées par des métaux lourds comme l’arsenic ou le plomb. Une pollution aux conséquences graves pour l’homme, due à plus de cent ans d’exploitation minière à échelle industrielle.
Au cœur de la France, dans un coin des Cévennes, joyau du tourisme vert, un scandale sanitaire et un drame humain touche notre société. Des sols et des cours d’eau toujours contaminés aux métaux lourds quarante-cinq ans après la fermeture de la dernière mine, un nombre de cancers et de pathologies anormalement élevé . C’est le dur constat que l’on fait après un an d’enquête deux journalistes d’investigation Bernard Nicolas et Alain Renon pour l’émission ” Pièces à conviction
Au cœur des Cévennes, une pollution silencieuse qui tue
La terre et les rivières de cette région de moyenne montagne sont anormalement contaminées par des métaux lourds. Une vaste pollution qui touche de plein fouet la ville d’Anduze et trois villages voisins, et qui pourrait être la cause d’un taux de mortalité anormalement élevé dans la région.
Ici, la multinationale belge Umicore (ex-Union minière) a exploité le zinc et le plomb pendant plus d’un siècle et abandonné des déchets très toxiques dans les vallons. Umicore a fermé la dernière fosse en 1971, mais la pollution demeure. Mais le plus grave est que cette pollution a été cachée à la population jusqu’en 2011.
Combien de personnes contaminées parmi les 6 000 habitants de la région ? Il n’existe aucune étude officielle, même si, pour les scientifiques venus sur place, le lien entre le nombre élevé de cancers dans cette région et la pollution ne fait aucun doute. L’omerta et le silence de l’état font que ceci est un vrai scandale sanitaire en France.
Anduze : Des taux de pollutions et de contaminations stratosphériques
Une étude publique démontre que les taux de contamination dans le sol et certains cours d’eau sont très élevés : entre 13 et 226 fois pour la teneur en plomb et entre 17 et 100 fois pour l’arsenic dans le petit village de Saint-Félix-de-Pallières. Il n’existe aucune statistique officielle sur les victimes sur cette pollution aux métaux lourds dans cette zone. Pourtant, le nombre de cancers y est très élevé.
D’autres lieux montrent des taux toxiques comme Tornac, et l’ensemble des hameaux en contrebas des mines de Saint-Felix-de-Palllières comme Bouzène, Marsillargues, mais également sur l’autre bassin versant comme Vabres, Saint-Bonnet-de-Salendrinque, Thoiras …
Il faudrait une étude épidémiologique pour connaître avec certitude le nombre de victimes à la pollution aux métaux lourds dans la région d’Anduze. Une étude que l’Etat refuse. En 2015, seule réponse de l’état, l’ARS, l’Agence Régionale de Santé a lancé une simple surveillance sanitaire.
Combien de personnes contaminées par la pollution dans les Cévennes ?
Combien de personnes contaminées parmi les 6 000 habitants de la région ? Le sujet reste tabou. Il n’existe aucune statistique officielle. Pourtant, on sait que le plomb s’attaque au cerveau et endommage les neurones ou que l’arsenic contamine le système digestif et provoque des cancers du poumon.
Deux journalistes parisiens Alain Renon et Bernard Nicolas ont enquêté pour recueillir des informations sur les pathologies dans cette zone d’un peu plus de 1 000 habitants. Sur 61 personnes malades ou décédées, ils trouvent 3 cas de saturnisme, 9 AVC mais surtout 36 cancers. Toutes ces maladies peuvent être provoquées par les métaux lourds.
Les médecins sur place ont-ils établi un lien entre pollution et cancer ? Un seul généraliste à Anduze, Gérard Bouchacourt, aujourd’hui à la retraite, a accepté de répondre aux questions des journalistes de “Pièces à conviction” : “En termes d’AVC, d’infarctus, de cancers, on avait énormément de grosses pathologies, mais on n’avait jamais fait le lien avec les mines. Aujourd’hui, oui, je pense qu’énormément de malades ne sont pas sortis indemnes de leur situation géographique.”
Sur 61 personnes malades ou décédées dans la zone depuis 1990, “Pièces à conviction” compte 36 cancers. Il faudrait procéder à une étude épidémiologique pour établir un lien officiel entre ces décès et la pollution. Une étude que l’Etat refuse.
Alors qu’une surmortalité est constatée à Anduze, pourquoi les autorités n’ont-elles pas pris de mesures pour protéger la population ? Ni Marisol Touraine, ni Ségolène Royal du gouvernement de François Hollande n’ont souhaité répondre à ” Pièces à conviction “.
Cela fait presque un demi-siècle que les mines sont fermées et que la pollution demeure. Dans les Cévennes, certains se demandent s’il faut vendre et partir.
Anduze : un siècle d’exploitation minière
La région d’Anduze, à deux pas du parc naturel des Cévennes, a connu plus d’un siècle d’exploitation minière à échelle industrielle : 80 000 tonnes de zinc et 34 000 tonnes de plomb ont été extraites pour le compte du groupe belge Umicore. Après la fermeture de la dernière mine, en 1971, la région s’est tournée vers le tourisme vert. Il a fallu attendre quarante ans pour que la population reçoive des recommandations sanitaires qu’on imaginerait plus à Tchernobyl ou Fukushima : la baignade y est déconseillée ainsi que le pompage d’eau potable.
Pour André Picot, l’un des plus grands toxico-chimiste français, il s’agit d’une affaire d’Etat. Il s’étonne : “Pourquoi le ministère de la Santé n’a-t-il pas fait faire d’enquête ? Ce problème des mines est plus important que celui des incinérateurs qui rejettent de la dioxine.”
Pollution : Le silence coupable de l’état français
La contamination a été cachée à la population locale pendant quarante cinq ans. Pourquoi ?
C’est seulement en 2014 que des recommandations sanitaires ont été envoyées aux habitants, qui ignoraient le danger. L’omerta sur cette pollution en pleine nature engagerait lourdement la responsabilité des autorités françaises et d’une multinationale belge, Umicore.
La riposte commence à s’organiser chez les propriétaires de maisons situées sur des zones de pollution. Dans le village de Tornac, les habitants ont reçu des recommandations sanitaires en 2014… soit quarante-cinq ans après la fermeture de la dernière mine. Des recommandations qui feraient plutôt penser à Tchernobyl qu’à un paisible village des Cévennes : la baignade y est interdite ainsi que le pompage d’eau potable.
Une dizaine de somptueuses demeures sont situées sur des zones contaminées. Les deux journalistes de ” Pièces à conviction ” ont rencontré Manuel Gomes, qui a passé sa vie à construire des gîtes sans savoir que le sol et les cours d’eau avoisinants étaient pollués.
Aujourd’hui, brisé, il confie : “Ça fait vingt ans que ma femme et moi n’avons pas pris de vacances. Toutes nos économies sont passées dans ces gîtes. […] Je pensais avoir pris des décisions maîtrisées, et là, je ne maîtrise plus rien. On est condamnés à rester privés de tous nos droits. C’est la double peine.”
Pourtant, malgré la douleur de ne plus pouvoir louer ses gîtes et de devoir abandonner l’idée d’une maison de vie destinée aux handicapés, Manuel Gomes et sa femme ont décidé de se battre. D’abord devant la justice administrative dans l’espoir d’être indemnisés. Mais aussi devant la justice pénale pour mise en danger de la vie d’autrui.
Et dans les Cévennes, ils ne sont pas les seuls.
Directement touché par la pollution, le premier lanceur d’alerte Johnny Bowie habitant de Saint-Félix-de-Pallières a tout perdu pendant plusieurs années. Cherchant à comprendre les effets nocifs des pollutions, il a invité deux scientifiques André Picot et Jean-François Narbonne à venir analyser in situ les données des risques. Un premier rapport scientifique a montré sans compromission, la véritable dangerosité des pollutions chimiques sur le site de la mine.
Après avoir subi l’opprobre pour avoir brisé l’omerta sur la pollution de la mine de Saint-Félix-de-Pallières, malgré les dénigrements d’une partie du voisinage, d’élus locaux et des services de la préfecture, Bowie s’est attiré les foudres d’une communauté de roulards, des nomades, marginaux et amateurs de fêtes « techno », hébergés sur l’ancien lieu d’exploitation de la Mine, sur laquelle des rave partys ont régulièrement lieu.
Même en notre présence lors de notre venue pour préparer notre reportage, Johnny Bowie a reçu verbalement des menaces de mort de la part de certains de ces voyageurs ” sédentarisés ” plus intoxiqués par le cannabis, la dope et l’alcool que par les toxiques des déchets miniers.
Contraint et forcé, devant de tels menaces à répétition et dégradations de sa clôture et de sa maison, Gisèle sa femme, une enfant du Pays et lui ont du partir du village et s’installer dans une autre maison dans la périphérie d’Anduze, en abandonnant sa propre demeure des Pattus à Saint-Félix-de-Pallières.
Les habitants pour se défendre et porter plainte en justice ont crée une association répondant au nom Adamvm Association pour la Dépollution des anciennes Mines de la Vieille Montagne …
A noter que Radio France International RFI a enquêté à Saint-Félix-de-Pallières et à Thoiras, sur la gestion de l’héritage industriel minier. Un document qui montre l’ampleur de la catastrophe écologique dans cette partie de France, dans le sud des Cévennes.
Une sacré boite de pandore qu’est le dossier de la mine près d’Anduze
Affaire à suivre
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