Une campagne électorale n’est pas une fin en soi
L’inconvénient avec les périodes électorales, c’est que nous avons tendance à les appréhender comme des séquences ayant leur fin en elles-mêmes. Il est toujours difficile de se projeter dans le temps d’après. L’idéal serait d’opérer une véritable réduction à la manière phénoménologique, une époché visant à mettre entre parenthèses les apparences afin de se concentrer sur le contenu des propositions des candidats.
Si nous pouvions faire abstraction des piloris judiciaires, ne pas succomber à la tentation de préférer la forme médiatique au détriment du fond politique, afin de ne pas être dupe de la virtuosité rhétorique masquant l’inanité des promesses, des belle prestances personnelles servant de cache-sexe à une démagogie attrape-tout ! Mais nous sommes des enfants de la société de spectacle : c’est plus fort que nous. Les Français veulent du sport, de la rhétorique, des coups de théâtre, des mots assassins, des punchlines, selon l’expression en vogue (un anglicisme pose souvent son commentateur politique mieux que la perspicacité).
On nous rétorquera que l’esprit de l’ élection présidentielle est la rencontre entre une personne et un peuple. Cependant depuis de Gaulle le monde a changé. L’omniprésence du quatrième pouvoir (les médias) a considérablement accru les moyens de manipulation, si bien qu’il devient toujours plus difficile de percer à jour certaines personnalités. Quant au « peuple », il est devenu une réalité chaque jour un peu plus indistincte, évanescente. D’ailleurs, les hommes politique et les médias s’en méfient terriblement, comme en témoigne l’emploi récurrent de l’épithète, qui se veut infamante, de « populiste ».
La magie du verbe ne fait pas tout
Il y aura un lendemain des élections. Le principe de réalité nous rattrapera. J’entends les voeux de certains de « ré-enchanter la politique ». Mais la magie du verbe suffira-t-elle à suppléer l’utopie des programmes ? De Gaulle savait manier les mots comme personne, les transformer en outils performatifs de sa politique. Mais le fondateur de la cinquième République possédait également une vision claire de ce qu’il voulait pour notre pays parce qu’il en avait une définition tout aussi claire. De plus, c’ était un réaliste. Rien de tel avec les bateleurs d’estrade qui désirent nous vendre leurs rêves.
La campagne aura un lendemain. Attention à ne pas trop nous illusionner, à nous droguer de beaux discours. Gare à la gueule de bois !
Les temps ont changé depuis les débuts de la cinquième République. A cette époque, nous appartenions encore à l’une des trois zones géographiques des pays « riches ». Depuis, des masses démographiques considérables nous ont rejoints dans le club. La magie du verbe n’a qu’un temps. Elle peut servir à galvaniser les énergies. Encore faut-il que celui qui le manie ait le sens des réalités. Une volonté que ne soutiendrait aucune intelligence de la situation présence, nous mènerait dans le mur très rapidement. La morale, le rêve, ne font pas à eux seuls une politique.
Ni technos ni rêveurs
Profitons du sprint final de la présidentielle pour réprimer en nous la douce jouissance de nous laisser bercer par les discours que nous avons envie d’entendre, afin de nous ouvrir à l’aspérité de cette réalité que nous ne voulons pas voir, mais que tous les bonimenteurs coalisés du monde ne feront pas disparaître magiquement par leurs incantations.
Non pas que la solution réside dans la remise de notre destin politique entre les mains expertes des technocrates. Ces derniers vivent dans l’immédiat, et ignorent le temps long des peuples. Leurs démonstrations jargonneuses trahissent une ignorance abyssale des ressorts qui meuvent les hommes. Mais entre les utopistes et les technos, une place existe pour l’homme d’Etat, pour l’homme capable de mener loin notre pays parce qu’il aura établi au préalable le bon diagnostic au sujet de la situation présente, et qu’à son sens aigu de la réalité, il joindra un grand projet pour la France.
Jean-Michel Castaing
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