Mondialisation, marché de dupes ?
Laudateurs et critiques
Qu’on la dise heureuse ou malheureuse, la mondialisation est un maître-mot de notre époque. Elle est surtout une réalité dont on ne peut ignorer les contraintes et les dimensions, sous peine de vivre complètement à côté de son temps. Mondialisation des échanges, des idées, du commerce, du divertissement, de la culture : on ne compte plus les secteurs concernés par ce nouveau calibrage de nos existences.
Ses thuriféraires l’encensent à cause de ses vertus supposées d’ « ouverture sur le monde ». Selon eux, elle permettrait aux derniers ploucs de sortir de leur pré carré, de larguer les amarres en se dépouillant de leurs vieilles peaux identitaires. Ses détracteurs soulignent au contraire que cette « ouverture » n’est qu’un miroir aux alouettes, un mirage, un prétexte pour forcer les économies retardataires à adapter leurs réglementations sur celles qui sont plus avancées qu’elles, et ceci afin d’assurer à ces dernières de nouveaux marchés.
Mondialisation : Opportunité d’ouverture ou rouleau compresseur ?
Les uns vantent l’opportunité qu’elle représente de se confronter à l’altérité, de découvrir la richesse de l’ « Autre ». Les autres, contradicteurs des premiers, soulignent à l’envi que les effets de la mondialisation vont en sens inverse de celui dont se réjouissent ses laudateurs. En effet, au lieu de constituer l’avènement du règne de la Différence, la mondialisation représenterait plutôt l’alibi idéologique dont se servirait le rouleau compresseur du Même pour uniformiser la planète.
Alors, où situer la vérité de ce phénomène de grande ampleur? La mondialisation est-elle une chance pour l’efflorescence de la Création dans sa diversité ? Ou bien porte-t-elle la marque d’une marchandisation généralisée des biens et des personnes ? Représente-t-elle une opportunité d’ unification de l’humanité (sous l’égide de qui, ou de quoi ?), ou bien consacre-t-elle la souveraineté planétaire du dieu Argent ?
Mondialisation et impuissance publique : un cocktail dangereux
Sur le plan politique, il est peu probable qu’elle fasse reculer les nationalismes. Ses diktats économiques et financiers, loin de protéger la diversité, accélèrent au contraire l’homogénéisation du monde. Aussi les peuples ont-ils tendance à se braquer contre une telle évolution à marche forcée, que leurs « élites » leur vendent comme inéluctable.
De plus, circonstance aggravante, à force de la présenter comme une fatalité, les thuriféraires de la mondialisation discréditent à leur insu l’action politique. Face à cette impuissance publique, les citoyens redeviennent demandeurs d’un volontarisme s’inscrivant dans le cadre où ils sentent, même confusément, qu’ils possèdent encore la main : celui des nations. Ainsi, présenter la mondialisation comme notre dernière frontière aboutit à l’ effet opposé : le repli sur des dimensions politiques plus modestes.
Economie, médias et culture : quel impact avec la mondialisation?
Sur le plan économique, il ne semble pas que la mondialisation des échanges soit toujours une chance pour les pays les plus faibles. Elle constitue plutôt un cheval de Troie afin de forcer les défenses des économies qui ne fonctionnent pas selon les standards du capitalisme « hard ».
Enfin, au niveau médiatique, le « village global » est un poncif commode pour remplir des pages. Dans la réalité, les déboires de l’Olympique de Marseille occupent mille fois plus de temps audio-visuel que les millions de morts du conflit des Grands Lacs en République Démocratique du Congo. L’ « ouverture à l’Autre » a ses limites…
De même, son impact sur la culture reste limité. Certes, le citoyen postmoderne est curieux de tout. Les cultures différentes de la sienne ne lui font pas peur. Ce qu’il redoute, c’est plutôt la sous-culture que propagent la mondialisation et ses prescripteurs people. Les échanges culturels mondiaux se focalisent souvent davantage sur la dernière coupe de cheveux de tel artiste de rock ou telle actrice de série, que sur la dernière oeuvre littéraire d’un écrivain de talent, reconnu ou non.
De cette sous-culture, les peuples ne restent pas dupes bien longtemps. Voilà pourquoi le commun des mortels désire renouer avec les racines de sa propre culture, et n’entend pas se laisser dicter ce qu’il doit penser par les puissants qui, entre deux avions, se gaussent du besoin d’identité de leurs concitoyens moins fortunés qu’eux.
Mondialisation : marché de dupes ?
La mondialisation est-elle alors un marché de dupes ?
Tout dépend de ce que l’on met comme réalité derrière ce mot. Et cette réalité dépend fréquemment, à son tour, du chiffre du compte en banque des personnes directement concernées par ce phénomène, c’est-à-dire celles qui tirent leur épingle du jeu de cette globalisation des échanges.
La mondialisation, en démocratisant l’économie de marché, a exacerbé le désir d’égalité entre les peuples au niveau mondial. En revanche, elle est loin d’avoir égalisé les conditions à cette échelle. Comme les plus belles filles, elle ne peut donner que ce qu’elle a.
Désir d’égalité et concurrence, loin de s’exclure, s’appellent mutuellement. Est-ce le signe que la mondialisation se retournera à moyen terme en son contraire ? On ne peut balayer l’hypothèse.
Ceci devrait persuader les derniers « mondialistes béats » que le phénomène est plus ambivalent qu’il ne paraît.
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