Extension du domaine de l’écologie
Morceau de choix que l’écologie ! Plat consistant que se disputent les politiques, les techniciens, les pseudo-prophètes, les religions, les spiritualités et tous les gourous autoproclamés de la piété envers Gaïa.
Mais où commence-t-elle vraiment ? Où finit-elle ? Certains voudraient qu’elle prenne entièrement possession de la cuisine et de la salle à manger, voire même la faire débuter dans la chambre à coucher. Ses sectateurs les plus zélés ne sont pas loin de penser qu’il y a des manières de s’unir charnellement plus écologistes que d’autres !
Il est indéniable que le domaine d’application des « pratiques écologiques » n’a cessé de s’étendre depuis plusieurs décennies. Si bien que nous risquons peut-être un jour d’ en arriver au point de nous demander, comme un réflexe conditionné, après avoir posé un geste tout simple : « Etait-ce écolo-compatible ? »
Un terrain de prédilection pour les courants religieux
Et que dire de l’habillage spirituel de l’écologie actuelle ! Certaines mouvances écologiques charrient une religiosité qui n’est pas toujours saine. De nos jours, l’écologie a une prédilection pour les sagesses et les religions d’Extrême-Orient : hindouisme, bouddhisme, et leurs dérivés. Mais ces religions sont alors retraitées, recyclées à la mode occidentale. Afin de les rendre plus consommables et praticables par le citoyen pressé de nos société connectées, leurs gourous 2.0 ont pris soin au préalable d’en retrancher les pratiques acétiques les plus sévères, ainsi que d’en occulter la connotation pessimiste trop marquée. En les embrassant, il s’agira pour le disciple de « se mettre à l’écoute » du monde, de la « pulsation universelle ». Dans ce syncrétisme sur demande, la nature est quasiment personnifiée. L’individu est prié d’entrer en symbiose avec elle, de capter ses « vibrations ». Ainsi la respectera-t-il davantage. Et pourquoi pas, au bout du compte, ne pas finir par l’adorer ?
Ainsi l’écologie penche-t-elle de plus en plus vers la religiosité. Religiosité souvent diffuse, parfois plus clairement affichée, même si c’est avec le vernis d’ un galimatias syncrétiste qui ne facilite pas sa transposition en politique.
Ce ne sont plus seulement la gauche et la droite qui font la danse du ventre afin de s’attirer ses bonnes grâces : les gourous et les médiums entrent à leur tour dans la ronde. L’écologie est en passe de dériver loin de la problématique de la fermeture des centrales nucléaires et d’une agriculture non-intensive. Sera-t-elle gagnante à la longue de cette extension du domaine de sa lutte ? On peut sérieusement en douter. En suivant cette voie, ne court-elle le risque de se transformer en idéologie totalitaire ?
Ne jamais faire l’impasse sur la raison
Certes, il n’est pas interdit de penser l’écologie en tant que croyants, de considérer les êtres et les choses comme un don gracieux du Créateur, de discerner dans le monde l’empreinte d’une sagesse qu’il s’agit de respecter. Cependant cette vision religieuse ne doit pas empêcher ces écologistes croyants de penser l’écologie en techniciens ou en politiques. En effet, la foi privée de compétence ne suffit pas en cette matière.
Pour un chrétien, Dieu a créé un monde autonome qui possède ses lois propres. Aussi, celui qui déciderait de réfléchir aux problèmes écologiques, et qui tenterait de proposer des solutions, muni de son seul Credo et de son chapelet, ne serait pas crédible bien longtemps. Dans ce domaine « temporel », une piété non étayée par la raison est contre-productive. La foi ne remplace pas ici la connaissance ni le savoir-faire.
L’écologie intégrale comme antidote aux dérives sectaires
Pour se prémunir du danger d’une idéologie sectaire, rien n’est plus approprié qu’une écologie intégrale qui ne néglige aucun aspect de l’existence, dans le droit fil de l’encyclique Laudato si’ du pape François. Qu’est-ce à dire ? En fait, selon cette écologie, spiritualité, politique et expertise marchent de concert, sans jamais accoucher toutefois d’une idéologie totalisante, qui enfermerait ses sectateurs dans une dynamique de repli sur soi.
L’avantage de cette écologie intégrale réside également dans le fait que la spiritualité n’y est pas réduite à une fonction « consolatrice » bon marché. La dimension spirituelle de l’écologie intégrale n’impose pas non plus une vision exclusive du monde, comme si elle était la superstructure « noosphérique »¹ d’un projet politique et économique global. Gare à la religiosité dévoyée en simili-spiritualité de contrebande, et qui est censée servir de supplément d’âme à notre époque ultra-technicienne !
Se garder des écologies dévoyées
Au-delà des alliances parfois hasardeuses liées aux engagements politiques ponctuels, il est nécessaire toutefois de discerner entre les spiritualités qui ne prêtent pas à conséquence, et celles dont des logorrhées incontinentes dissimulent parfois un délire qui risque de déstabiliser ceux qui les déglutissent imprudemment, comme ceux… qui y prêtent une oreille attentive. De troublantes mouvances spirituelles gravitent en effet autour de la dimension politique de l’écologie – mouvances « satellites » d’autant plus inquiétantes que l’écologie politique monte en puissance au niveau national, en imposant chaque jour un peu plus son agenda à la classe de nos dirigeants.
Bien sûr, l’ensemble du mouvement écologiste n’est pas touché par le phénomène de cette religiosité sauvage. Cette prégnance religieuse ne doit pas discréditer non plus les passerelles que certains tentent de construire entre spiritualité et souci des équilibres naturels. Cependant, une certaine vigilance s’impose, afin que la raison l’emporte à la fois sur un certain catastrophisme qui manipulent les peurs, comme sur les tentations de dévoiement de thèmes mythologiques, au profit d’une écologie qui outrepasserait son domaine de compétence. Il serait dommage que la sollicitude pour les équilibres de l’écosystème entraîne le déséquilibre des esprits !
¹ La noosphère, selon la pensée de Pierre Teilhard de Chardin, désigne la « sphère de la pensée humaine».Le mot est dérivé des mots grecs noüs, « l’esprit », et sphaira, « sphère», par analogie lexicale avec « atmosphère » et « biosphère ». Ce néologisme a été introduit en 1922 par Teilhard de Chardin dans sa « cosmogénèse»
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