Les cités templières sont nombreuses en Languedoc. Leur présence témoigne de l’ancienneté de l’implantation de l’Ordre du Temple dans le sud de la France. Nous n’évoquerons ici que les principales, celles qui ont conservé leurs édifices (granges, églises, murs d’enceinte, réfectoires, tours, etc) dans le meilleur état.
Bref aperçu historique de ces Cités Templières en Languedoc
Le mouvement templier commença en Champagne. Son fondateur, Hugues de Payns, était un chevalier revenu de la première croisade. Vingt ans après son retour, en 1129, l’ordre du Temple obtint sa règle et sa mission au concile de Troyes grâce au soutien de saint Bernard de Clairvaux qui lui donna ses fondements spirituels. Le pape reconnaîtra l’Ordre quelques années plus tard. Sa mission ? Assurer la sécurité des routes et des campagnes de Palestine et de Syrie contre les embuscades musulmanes. Il s’agissait de défendre l’Orient latin qui venait de se constituer en royaume après la prise de Jérusalem en 1096.
Un ordre religieux original
La création des ordres religieux de chevalerie répondit toujours au souci d’assurer la sécurité des chrétiens en Terre sainte. Dans leurs établissements, les services religieux alternaient avec l’entraînement militaire. L’habit monastique des frères chevaliers templiers était blanc avec un capuchon. Pendant le service actif, une longue cape remplaçait l’habit. Le maître du chevalier n’était pas simplement un chef militaire mais aussi un abbé. Pour la première fois dans l’histoire de la chrétienté, des soldats vivaient comme des moines : repas pris en silence, offices de la journée psalmodiés par ceux qui n’étaient pas de service ou de garde.
Qu’est-ce qu’une commanderie templière ?
Après la première croisade, en Orient comme en Europe, les commanderies templières se multiplient. Elles s’apparentent à de grosses exploitations agricoles. Certaines ont donné naissance à de véritables villages comme La Couvertoirade, La Cavalerie et Sainte-Eulalie-de-Cernon. En fait, elles constituent un mixte d’exploitation agricole, de monastère et de manoir. Leur fonction consiste à fournir des fonds à l’Ordre, en particulier pour ses œuvres et Terre sainte. En outre, les commanderies font office de centres de recrutement, de formation militaire et de remontes de chevaux pour la cavalerie franque en Palestine.
Généralement, une commanderie templière est constituée d’une chapelle, d’un logis utilisé par les seuls Templiers, d’une salle du chapitre et de communs (granges, ateliers, charretteries, écuries, étables, porcheries) gérés par les frères et des laïcs. Certaines d’entre elles comprenaient une hôtellerie pour pèlerins et un hôpital. La plupart étaient installées en pleine campagne.
Un ordre militaire inséré dans la vie économique
La richesse de l’Ordre provient également des donations des seigneurs qui se font de la sorte « donats du Temple ». Par elles, ils achètent le droit d’être, à leur mort, revêtus de l’habit de l’Ordre avant d’être ensevelis. Par exemple, tel seigneur se dessaisit de son droit de péage, prélevé tant sur la terre que sur l’eau, au profit du commandeur du Temple.
C’est en France que se recruta la majorité des templiers. L’esprit de pauvreté fut étranger à cet ordre parce que la guerre absorbait les revenus. L’Ordre était inséré dans le tissu économique. Ses richesses étaient transférées à destination de la Terre sainte. L’argent collecté était centralisé dans des lieux comme Paris ou Monzon, en Espagne, tandis que l’acheminement outre-mer était confié à des navires appartenant à l’Ordre ou bien affrétés auprès des républiques maritimes de Venise ou de Gênes. Dans ce tissu économique, la commanderie n’est ni un simple couvent ni un simple manoir mais aussi un espace de domination, une seigneurie centrée autour d’une maison forte et constituée de biens, fonciers à la campagne et immobiliers en ville.
La fin tragique
Au combat, la bravoure des Templiers était légendaire. Pourquoi Philippe le Bel élimina-t-il l’Ordre ? Plusieurs raisons expliquent cette décision. En premier lieu, le roi de France voulait signifier par ce coup de force qu’il était maître dans ses terres. Or, l’Ordre ne relevait que du pape à qui il était entièrement soumis. En 1179, le Temple avait en effet obtenu le privilège d’exemption qui soustrayait ses maisons à l’autorité des évêques diocésains. De la sorte, Il était à l’abri des excommunications et des interdits. Aussi, son élimination s’inscrivit-elle dans le prolongement de la lutte de Philippe le Bel contre le pape Boniface VIII. L’appétit financier joua également un rôle dans cette décision tragique. A cet égard, la manière dont Philippe le Bel géra le transfert des avoirs du Temple à l’Ordre de l’Hôpital est significative. Dans l’intervalle, les biens du Temple furent en effet gérés par le roi de France – qui exigea ensuite de l’Hôpital une lourde note pour frais de garde !
Passons en revue maintenant les principales cités templières en Languedoc
La Cavalerie
Presque tout le plateau du Larzac fut la propriété de l’Ordre du Temple entre le XIIe et le début du XVIe siècle avant que les Hospitaliers ne prennent le relais jusqu’en 1789. Les remparts de La Cavalerie forment un quadrilatère imposant. Les murailles protègent l’église, le cimetière et le logement du commandeur. Le château a été détruit. Avec La Cavalerie, les Templiers désiraient édifier une ville nouvelle afin de regrouper la population dispersée aux alentours. C’était aussi une exploitation agricole spécialisée dans la fabrication de fromage, de charcuterie.
Le chemin de ronde du mur d’enceinte du village a été restauré. Il offre une vue plongeante sur les demeures des XV, XVI et XVIIe siècles qui donnent son cachet ancien au village. Trois tours jalonnent l’enceinte.
Sainte-Eulalie-de-Cernon
En 1151, l’abbé de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert cède à l’Ordre du Temple l’église de Sainte-Eulalie. En 1159, le comte de Barcelone et roi d’Aragon, Raymond Béranger, qui est comte de Millau de surcroît, donne officiellement Sainte-Eulalie et toutes ses possessions sur le Larzac, au maître du Temple du Rouergue, Elie de Montbrun.
Le château des Templiers de Sainte-Eulalie-de-Cernon forme un quadrilatère. Il fut commencé en 1187. Le dortoir des Templiers s’étend au-dessus de la voûte qui recouvre la grande salle du château. Dans le musée de la commune, situé dans l’aile du château élevée au XVIIe siècle, on peut admirer une cotte de mailles et une épée de chevalier de l’Ordre. L’aile est du château comprend une salle couverte de croisées d’ogives séparées par des arcs segmentaires.
L’enceinte carrée est bien conservée. Les courtines rectilignes sont renforcées à chaque angle par une tour ronde plus élevée que les murailles. Les portes sont pratiquées dans des tours rectangulaires. Certaines comportent toujours des mâchicoulis. Le chemin de ronde est couronné d’un parapet de deux mètres de haut.
L’église fut édifiée au XIIe siècle. Le chevet semi-cylindrique sert d’entrée principale à l’édifice. La nef unique à quatre travées est bordée de chapelles. L’église a été transformée par les Hospitaliers qui prirent le relais des Templiers après la disparition de l’Ordre.
Les Hospitaliers renforceront considérablement la prospérité de l’ancienne commanderie templière de Sainte-Eulalie-de-Cernon. Le château servira d’ailleurs de lieu de villégiature pour les commandeurs de l’Ordre des Hospitaliers.
La Couvertoirade
Les Templiers s’installèrent à La Couvertoirade au XIe siècle. Dès lors, le village connut un développement rapide. De nombreuses routes permettaient de rejoindre la côte méditerranéenne depuis le Causse du Larzac, ce qui explique que de beaucoup de croisés partirent à partir de cette cité templière à destination de la Terre sainte.
Le château fut construit par les Templiers sur des mamelons rocheux favorables à la défense de la cité. Il n’en reste plus que les ruines de l’angle nord-ouest. La porte d’entrée, en plein cintre et à demi taillée dans le roc, donne accès à une cour intérieure. Depuis le chemin de ronde, le visiteur peut admirer les façades des maisons anciennes du village et le causse environnant.
L’église des Templiers, datée du XIIe siècle, se situe au nord du château. Au XIVe siècle, des ouvertures dans la nef furent effectuées par les Hospitaliers. En effet, après la dissolution de l’Ordre du Temple, la Couvertoirade revint à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, les Hospitaliers. La Révolution confisquera tous leurs biens.
Vaour
La commanderie des Templiers de Vaour, dans le département du Tarn, est située en bordure de la forêt de Grésigne et du vignoble gaillacois. C’est en 1140 que les chevaliers de Penne, village médiéval voisin, au cœur des gorges de l’Aveyron, donnent à Pierre Humbert un terrain en hauteur où il fonde cette commanderie qui accueille une dizaine de templiers. Exonérés de taxes, ces derniers devaient protection aux populations locales. Leur pouvoir s’étendait sur sept cantons jusque sur le Quercy.
Les bâtiments furent élevés sur une butte assez large. Cette situation stratégique permettait au guetteur du Temple, de faction en haut du donjon, de surveiller au nord les monts d’Auvergne, au sud les Pyrénées, à l’est les Cévennes et à l’ouest les plaines de l’Albigeois. La commanderie de Vaour était suffisamment fortifiée pour décourager d’éventuels assaillants.
La grange, avec ses contreforts massifs, a été récemment restaurée. Le logis du commandeur et des chevaliers, à deux étages, conserve de hauts murs. Le rez-de-chaussée abritait les cuisines et le réfectoire. Le logement du commandeur se trouvait à l’étage. Dans la grange, une salle à voûtes romanes, surbaissées, servait d’écurie.
Mas-Deu
De la commanderie de Mas-Deu, située à 10 km de Perpignan, il ne reste que la chapelle du XIIe siècle en mauvais état, un four, des ruines du mur d’enceinte flanqué de tours carrées et la maison du commandeur.
Mas-Deu comptait 26 templiers en 1307. Ils jouèrent un rôle très important dans l’assainissement de la région du Roussillon, particulièrement insalubre, en asséchant quantité d’étangs. Les revenus de la commanderie reposaient surtout sur la culture et sur l’élevage. Elle gérait également des tanneries, des ateliers de confection du cuir et des moulins.
Lors de l’arrestation des Templiers en 1307, ceux de Mas-Deu se révoltèrent. Finalement, le concile régional finira par reconnaître leur innocence après l’arrestation du commandeur. Celui-ci finira ses jours à Mas-Deu.
Montsaunès
Les Templiers arrivèrent sur la colline de Montsaunès (Haute-Garonne) vers 1140. Pons de Francazal, seigneur local, leur accorda le droit de dépaissance (droit de faire paître) pour leurs troupeaux dans tous ses domaines. La commanderie de Montsaunès était la plus importante sur le versant français des Pyrénées, en particulier sur la route Toulouse-Bayonne. De nombreux biens l’enrichirent, dus notamment à la générosité des comtes du Comminges.
Construite vers 1180, l’église romane comporte une nef à quatre travées terminée par une abside polygonale à onze pans coupés. Les deux portes romanes présentent de superbes sculptures. Celle de la façade occidentale offre un bandeau d’archivolte aux multiples têtes humaines serrées. Les chapiteaux évoquent saint Pierre crucifié, saint Etienne lapidé et la résurrection de Lazare. La voûte est décorée de motifs géométriques : semis d’étoiles, rosaces, croix du Temple, chevrons, rubans ou festons qui continuent de fasciner par leur mystère. A l’intérieur de l’édifice subsistent des vestiges de peinture romane restaurée : apôtres, évêques, saints, scènes religieuses ou profanes.
L’église est construite en brique et reste marquée par les débuts du style gothique. Le clocher-pignon comporte cinq baies en plein cintre. L’église est le seul bâtiment qui subsiste de la commanderie de Montsaunès.
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